L'histoire :
Petrov Oleonine est un « zeck », un prisonnier politique. Pour le régime du Père des peuples, il ne fallait pas grand-chose pour se retrouver interné dans un camp. Une rumeur, une délation, les soldats qui viennent vous chercher, un semblant de procès et un aller simple vers un camp, qui ressemble à un ticket pour la mort. Partout, en Union Soviétique, des hommes disparaissent... et ne reviennent pas. Petrov a été interné au camp 502. Il avait été fait prisonnier par les nazis, mais les autorités ont trouvé que sa libération avait été un peu rapide. Elle cachait à leurs yeux une intelligence avec l'ennemi. Il n'en était rien, mais le système ne pouvait pas se tromper... Matricule R-553. Presque 2300 jours à survivre, dans des conditions indescriptibles, en Sibérie centrale, quelque part entre Chirunda et Typa. Petrov a préféré prendre le risque de mourir en homme libre plutôt que de crever comme un esclave d'un système inhumain. Alors il s'est évadé. Affrontant la Taïga et ses plaines enneigées à perte du vue, il veut accomplir la dernière volonté de son ami Dilmitri, mort torturé : aller voir sa femme et lui dire la vérité. Dans sa cavale, il croise un ours qui le blesse gravement. Il échappe à la mort, sauvé par un paysan et sa fille. Mais les militaires se rapprochent de la zone et il doit à nouveau fuir. A bout de force, il semble renoncer et finit par s'endormir, dans un froid glacial...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On avait laissé Petrov avec ce sentiment désespérant que sa cavale avait trouvé une issue tragique. Mais Patrick Miramand n'avait pas fini de nous offrir l'histoire de cet homme dont le désir de vivre est plus fort que tout. Plus fort qu'un système qui a envoyé des dizaines de millions de morts (combien, exactement, nul ne ne sait : 25, 30 ou même 60 ?), plus fort qu'une nature aussi hostile que belle. Voici donc la suite de cette aventure poignante, qui permet aussi au lecteur de s'instruire et, comme Petrov, de s'évader dans la région du Baïkal. L'immensité du lac (630 kilomètres de long pour une largeur qui va jusqu'à 80 kms) et les régions qui l'entourent sont ainsi le théâtre de ce voyage en solitaire, jalonné de rencontres entre des hommes brisés, mais toujours debout. L'auteur complet a truffé son récit de références à l'Histoire. On imagine son formidable travail de documentation, comme pour le Centre de Détention 17, dont il ne reste qu'un seul croquis, car les autorités ont détruit absolument tous les documents qui s'y rattachaient et c'est cette pièce unique qui lui a servi d'appui pour la construction d'une scène. On est souvent terrifié par le souvenir de cette répression inqualifiable, comme quand la « route des os » est évoquée. 2032 kilomètres construits par un climat qui a pu afficher -72 degrés. Là aussi, l'auteur ouvre une parenthèse qui marque la mémoire : environ 20 ans de travail forcé et probablement 25 morts par jour pour une route qui trouve son nom du fait que les corps, ne pouvant être enterrés par ces températures, étaient « mélangés » aux remblais de la route... Alors la cavale de Petrov, c'est aussi un bout d'Histoire de l'ex Union Soviétique, un morceau de sa géographie. Une nouvelle fois, Patrick Miramand nous embarque dans des décors, forêts, plaines, montagnes et bien sûr le lac, qui proposent une pause contemplative, permettant au lecteur de souffler. Parfois, il n'y a pas besoin de beaucoup d'action pour amener une grande intensité. Sa narration a cela de remarquable, jusqu'au bout.... Ce diptyque vous plaira si vous aimez la BD riche d'un propos. Il est la preuve qu'on peut passer sous les radars des éditeurs, mais que cela n'enlève rien à la richesse d'une œuvre.