L'histoire :
Un homme commande trois pintes au comptoir d’un snack. Il veut évoquer le bon vieux temps en compagnie de deux anciennes copines de sa fac, juste avant une soirée retrouvailles. L’une d’elle se souvient d’une meuf prénommée Frøydis, qui était en physique-chimie et qui avait un comportement bizarre. Si Frøydis était toujours solitaire et angoissée, c’est parce qu’elle voyait sans cesse autour d’elle une créature extraterrestre gluante et tentaculaire, qui lui demandait de quitter la Terre avec elle. Frøydis s’était imaginé qu’un autre garçon introverti, Tariq, voyait aussi cette créature… Dans le snack, l’autre copine se souvient quant à elle du boutonneux Kåre qui collectionnait les insectes vivants. Ce jour-là, il était vénère de s’être fait livrer une larve de coléoptère à la place d’une larve de papillon-lune. Le beau gosse sexy de la classe, Brede, qui faisait de la muscu et se piquait avec des anabolisants, l’avait alors harcelé. En fouillant dans une boîte de larve avec son doigt, cet idiot s’était fait piquer. La piqûre de l’insecte avait alors provoqué une réaction métabolique sévère sous l’effet des anabolisants. Brede s’était en effet transformé en insecte géant, alors qu’il était garé dans une voiture, de nuit, dans la cambrousse, avec sa petite amie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur le plan graphique, le trait encré épais, les masses noires profondes, la colorisation en aplats, le contexte contemporain et le focus sur l’adolescence malsaine font inévitablement penser à « l’école Charles Burns ». Le danois Kristian Hammerstad s’avoue néanmoins plus volontiers inspiré par les films de John Carpenter, le cinéma de genre de série B, avec une fascination pour les monstres kitchs issus de la culture pop-underground du milieu du XXème siècle. Cette définition est à peu près au point pour qualifier ce Creep traduit et édité par les éditions Aaarg!, dans le domaine trash-gore décalé qu’ils affectionnent. Le fil narratif de Creep additionne en réalité trois histoires de monstres, indépendantes et juste reliées entre elles selon le principe de souvenirs étudiants évoqués. Chacune d’elle est parfaitement glauque et/ou gluante et/ou malsaine, sans jamais tomber dans l’écueil du vulgaire. Sur un découpage en gaufrier strict de 9 cases par planche, les cadrages et les mises en scène d’Hammerstad ne cherchent pas précisément à susciter le frisson, mais plutôt le malaise. Des gros plans sur des insectes écrabouillés, des pustules ou une sudation exacerbée suffisent généralement. La lecture de cet album s’accompagnera aisément d’un yaourt périmé, d’un pétard coupé au cirage et d’un fond d’alcool frelaté trouvé au fond du placard de grand-papy.