L'histoire :
A la mort de Panaït Istrati, en avril 1935, quelques journaux français annoncent la nouvelle dans leurs pages dont L'humanité, journal communiste, qui dépeint l’écrivain comme un révolutionnaire fasciste. Dans le contexte de la crise de 1929, avec notamment la poussée du nationalisme, on ne critique pas impunément le « mensonge » soviétique. Juliette Pary, journaliste indépendante, est outrée de l’éloge funéraire publié dans L'Huma. Ne connaissant que les écrits d’Istrati, elle décide de mener l’enquête auprès des proches de Panaït, pour enfin connaître l’homme. Son collègue la met sur la piste de Ionesco, un bottier roumain de la place parisienne qui serait un proche de l’écrivain. L’artisan roumain accepte volontiers la demande d’entrevue et commence à raconter la vie de l’écrivain. Fils d’un grec qu’il n’a jamais connu et d’une roumaine, Panaït est né à Braïla sur les rives du Danube. A la séparation de ses parents, sa mère met la clef de la boutique familiale sous la porte et devient blanchisseuse à la journée. Ne pouvant subvenir au besoin de Panaït seule, elle le place dans sa famille à quelques kilomètres de Braïla chez l’oncle Dimi qui, une fois saoul, frappe sa femme. A l’âge de 6 ans, il retourne vivre en ville et va à l’école. Malheureusement, les maitres font rentrer les leçons dans le crâne des jeunes élèves à coups de claques derrière la tête et de coups de bâton. Un an plus tard, Panaït et sa maman sont obligés de déménager en banlieue de Braïla, dans le quartier malfamé de la Comorofca. Un ancien bagnard, robuste et puissant, y fait régner la terreur, Codine. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’homme va prendre Panaït sous son aile et lui faire découvrir les notions d’amitié et de loyauté qui vont rythmer sa vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut quand même avouer que l’œuvre de Panaït Istrati, écrivain et libre penseur roumain, est quasiment inconnue auprès du grand-public français, dont l’auteur de ces lignes. Cependant, même si vous ne connaissez pas l’œuvre de cet homme, sa vie est tellement remplie de lieux différents et de rencontres qu’elle en est particulièrement intéressante. Ne prenez peut-être pas cette histoire comme une biographie au sens strict, mais plutôt comme une histoire de vie. La différence parait peut-être mince, mais elle est essentielle, car le premier terme a une connotation plutôt rébarbative. Golo, scénariste et dessinateur, réussit par un crayonné simple et touchant en noir et blanc à rendre intéressante la vie de cet homme. Issu d’une famille pauvre roumaine, cet érudit et libre penseur va faire beaucoup de rencontres qui vont le pousser sur le chemin de la pensée et de la connaissance. La première rencontre avec Codine, la brute des quartiers malfamés de Comorofca, va le pousser à s’intéresser aux notions d’amitié et à la loyauté. Le travail épuisant dans un cabaret va l’aider à apprendre le grec, non sans passage à tabac et brimade de la part du caissier. Sans parler de la rencontre du capitaine Mavromati qui va lui offrir son premier dictionnaire pour perfectionner ses connaissances des langues, ou encore de Mikhaïl, un russe ne parlant pas moins de six langues, qui va remettre en question son orientation sexuelle tout en restant à la limite, parfois fragile, entre les sentiments amoureux et amicaux. L’histoire de Panaït se base sur des rencontres qui l’ont façonné au fil de sa vie. Petit détail qui est plutôt intéressant : prenez plaisir à décrypter les 6 premières planches, une fois l’album lu, car Golo a appliqué à la lettre cette expression « à l’aube de la mort, la vie défile devant nos yeux ». La vie de Panaït défile et certains détails sont plaisant à retrouver, une fois le livre terminé.