L'histoire :
Parisienne d’adoption, Juliette revient en TGV dans la petite ville de province où elle a grandi, pour quelques jours de congés. A l’arrivée, elle poireaute devant la gare… et décide de faire le trajet final à pieds. Elle sonne enfin à la porte de l’appartement de son père. Celui-ci est surpris, il croyait qu’elle arrivait le lendemain. Toujours calme et introvertie, Juliette ne lui en veut pas. Egalement toujours hypocondriaque – elle s’inquiète pour ses battement de cœur irréguliers – Juliette reprend ainsi ses quartiers dans son ancienne chambre, avec une pincée de nostalgie. Dans les jours qui suivent, elle ira prendre l’air serein de la province. Elle en a marre de Paris. Elle cherche à retrouver quelques racines, et notamment en insistant du côté de l’ancienne maison dans laquelle ils vivaient quand elle était toute petite, avant le divorce des parents, et dont elle ne se souvient plus vraiment. Celle-ci est désormais habitée par un homme célibataire bonne pâte, surnommé Pollux, qui passe son temps libre à jouer aux fléchettes dans le troquet local. Bientôt, Juliette sera ravie de retrouver sa sœur ainée et unique Marylou, une rousse bedonnante au caractère plus affirmé. Mère de famille, Marylou travaille comme aide à domicile et elle assume la totalité de la gestion familiale. Elle décompresse à sa manière, en donnant des rendez-vous chaque jeudi après-midi à son amant secret, dans la serre du jardin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2009, Camille Jourdy s’était faite (bien !) remarquer avec Rosalie Blum : deux distinctions et une adaptation ciné en prime par Julien Rappeneau (qui débarque en salles le 23 mars 2016). Avec Juliette, l’auteure récidive dans le même registre de la chronique sociale provinciale et légèrement romantique, avec un nouveau portrait sensible de femme(s). Baptisé Juliette son nouveau roman graphique aurait aussi bien pu s’appeler « Marylou », car les deux sœurs occupent ici à parts égales le devant de la scène. La forte personnalité de Marylou aurait même tendance à l’emporter sur la frêle et timide Juliette. Sur le plan graphique, Camille Jourdy utilise un crayon fin pour des personnages aux traits simples, rehaussés par une colorisation aux feutres, la plupart du temps mis en scène sans contour de case ni arrière-plans. Par intermittence, en guise de respirations ou moments-bilans, des scènes contemplatives bénéficient d’un soin graphique réaliste et poussé, sans contours de forme. Surtout, le travail de Camille Jourdy est vraiment épatant sur le plan psychologique. La douzaine d’acteurs qui animent ce vaudeville familial sont tous très crédibles dans leurs rôles, leurs névroses, leurs dialogues contemporains justes et ciselés. Leurs caractères équilibrés sont différents, mais tous attachants, quand bien même ils se balancent régulièrement à la face leurs quatre vérités, à grands coups de réparties cinglantes. Au final, il n’y a certes pas de démonstration flagrante d’un propos particulier : juste une parenthèse dans la vie de plusieurs membres d’une famille, l’étalage de leurs rancœurs et de l’amour qu’ils se portent, des centaines de petites choses subtiles, à la fois anodines aux yeux du lecteur, mais incroyablement importantes pour chacun d’entre eux.