L'histoire :
Un groupe d’élèves de lycée font un voyage en Pologne pour visiter les camps de concentration. Ils vont faire la « marche de la vie » afin de bien comprendre l’histoire de leur peuple. Ils prennent donc l’avion depuis l’aéroport Ben Gourion... où ils assistent à un incident avant d’embarquer. Une vieille dame, Regina Segal, fait un scandale car le policier ne veut pas lui laisser sa bouteille d’eau. Bloquant l’accès aux portes, elle se venge en prenant tout son temps pour vider la bouteille interdite. Dans l’avion, c’est un vrai capharnaüm car les élèves en profitent pour faire n’importe quoi. Le professeur des lycéens organise le périple à venir et discute en même temps avec la famille Segal. Deux mois après la mort du père de Mica Segal, sa grand-mère doit en effet se rendre à Varsovie. En effet, ses parents morts du temps du ghetto, de sinistre mémoire, y possèdent une propriété. Cette propriété revient donc de droit à Regina et sa petite-fille, Mica. Celle-ci l’accompagne pour l’assister dans ce retour aux sources. Elle ignore que les choses sont bien plus compliquées qu’il n’y paraît. D'une part, la grand-mère semble très affectée à l’idée de revenir sur les traces de ses parents. De plus, Avram Yagodnik, un ami de la famille, a une attitude étrange : il ne cesse de suivre les deux femmes. Que cache cette mystérieuse propriété à Varsovie ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Beaucoup de livres et bande dessinées ont traité des camps de concentration et de la Shoah. Rutu Modan en fait son point de départ, avant de sortir immédiatement des sentiers battus. Inclassable, cette histoire mêle la grande Histoire et l’histoire intime de Regina Segal. En revenant sur les traces de ses parents, cette vieille dame retrouve son passé, mais aussi le spectre terrible du ghetto de Varsovie. Malgré un sujet difficile, Modan aborde ce retour douloureux avec beaucoup d’originalité. En effet, le récit est très lent... et à l’image de Mica, jeune et insouciante, le lecteur découvre petit à petit les zones d’ombre du passé de Regina. Imitant parfaitement la vie, l’album est assez particulier et il intrigue tout au long des chapitres. Que cache cette grand-mère au caractère bien trempé ? Quel est le lien entre ses parents et les camps de concentration ? Quel jeu mène Avram ? Le récit se fait tantôt extrêmement réaliste dans le ton, puis se change en intrigue policière, pour se transformer en cours d’Histoire, voire en guide touristique ! On suit pas à pas les personnages et la psychologie des deux femmes est montrée avec beaucoup de finesse et de délicatesse. Leur lien évolue et l’auteure montre tout : leur dispute comme leurs bons moments dans une belle peinture d’une relation de famille. Modan est très attachée à apporter de la crédibilité à son histoire. Tout est parfaitement décrit, les lieux comme les caractères des personnages, et cette tranche de vie est décidément extrêmement réaliste. C’est également le cas avec le dessin minimaliste mais pointilleux et très expressif. La ligne claire revit avec Modan et le récit est donc parfaitement lisible et très agréable à suivre. On se demande ainsi constamment ce qu’il va se passer, alors tout se déroule de manière très lente. Etrange impression que de se sentir pris dans une intrigue aussi simple en apparence et dénuée d’actions. Les rebondissements sont ténus et les révélations beaucoup moins fracassantes que ce que les bases le laissaient penser. C’est même un peu le problème à la fin de la lecture. On attend tellement des éclaircissements, que lorsque la vérité finale éclate, elle tombe un peu à plat. C’est un choix de rester vrai tout au long de l’album et de décrire le destin simple et quasi authentique d’une famille qui remonte le passé tragique de parents juifs pendant l’occupation allemande. Un album original et bien mené, à la simplicité quasi maladive.
