L'histoire :
Un jeune homme se traîne au milieu du trafic. Il est manifestement saoul, une bouteille à la main, debout au milieu de la route. On l’interpelle. Il tourne la tête et… page noire. Il se réveille sur le trottoir, la gueule défoncée. Son look de punk mal défraîchi est « embelli » par un immense cocard. Le patron du Café de l’angle, devant lequel il s’est traîné, le plaint, puis rentre ouvrir son bar. Le jeune semble y avoir ses habitudes. 6h20, le premier bus débarque les actifs du quartier. Nous sommes à « Guillotine » comme l’appelle le héros, un quartier de Lyon pas forcément plus malfamé qu’un autre. Il observe le monde tel qu’il va, une clope au bec, un café dans la main. Mais sa vie est loin d’être un long fleuve tranquille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On rentre tout de suite dans cette histoire. D’abord, par l’aspect visuel. Cette bichromie dégueu, ces taches d’encre de Chine interpellent. Surtout, elles vont trancher de manière incroyable avec la précision du trait, la facilité avec laquelle on se repère dans cette capitale des Gaules vue d’un œil sans complaisance, mais pas que. Les portraits sont incroyables, d’une grande richesse, même chez les passants. Loïc Godart nous offre un magnifique panel de gueules cassées par la vie, vulgaires ou héroïques, mais d’une grande humanité. C’est ensuite le scénar qui nous accroche, de manière négative aussi dès le début. Au bout de deux pages, le héros, enfin ce qu’il en reste, met déjà deux pages noires à se remettre d’une raclée qui semblait l’attendre. On pense à une cloche, abandonnée de tous. Mais pas du tout, il a des amis et des habitudes dans un café. Il se met ensuite à soliloquer, à philosopher sur les gens, les laborieux du premier bus… Du coup on pense à Archimède le clochard, mais pas du tout non plus. C’est l’histoire d’un mec qui pense que les plats ne repasseront plus, et qui se laisse porter. Et puis un jour, il y a une toute petite ficelle, très loin, d’une corde à laquelle il pourrait se raccrocher. Mais cette ficelle, est-il encore en capacité, ne serait-ce que de la voir ? L’histoire rebondit, plusieurs fois, nous interloque, nous laisse KO aussi, jusqu’à une fin tout en douceur, malgré l’âpreté de passages très sombres, désespérés et désespérants. C’est subtil, c’est malin, c’est un album tout en nuances et, finalement, loin du cliché de l’observateur désespéré de la déchéance humaine, plein d’espoir et d’amour de la vie…