L'histoire :
Par la fenêtre, tandis que la météo est exécrable, Matthieu regarde une camionnette reculer dans l’allée. Christophe et « Neveu » lui ont donné rendez-vous pour vider la maison de famille de ses derniers mobiliers avant qu’elle ne soit vendue. Matthieu est taiseux, dans un état second. Il ne peut empêcher ses souvenirs d’enfances de remonter en lui. Ses yeux se posent successivement sur un arbre du jardin, puis sur une bouteille posée sur un fauteuil. Il se souvient que jadis, avec son petit frère Thomas, ils avaient trouvé une carte au trésor dans cette bouteille. Elle indiquait l’emplacement de « la clé de l’antichambre », enterrée au pied du platane. Il revoit les apéros ensoleillés pris en famille à l’ombre de cet arbre. Mamette, sa grand-mère, lui avait alors dit que la maison avait été construite à l’emplacement d’un ancien « château rose ». En creusant, Thomas avait déniché un vieux fer à repasser tout rouillé. Il ne pouvait certes pas appartenir aux chevaliers du temps jadis (parce qu’à l’époque, on ne repassait pas les armures !), mais peut-être tout de même au général de Gaulle, car la sœur de ce dernier avait vécu dans cette maison durant la guerre. Il n’y a d’ailleurs qu’elle, pour avoir écrit le parchemin signalant l’emplacement du trésor…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une étape relativement pénible mais classique dans une vie d’adulte : débarrasser une maison de famille avant qu’elle ne soit vendue. On ne peut alors empêcher des flots de souvenirs d’enfance, souvent heureux, de remonter, s’accrochant au moindre détail insignifiant ou un peu kitch. C’est ce qui arrive ici à Matthieu, le héros de cette histoire, sans doute alter-ego (partiellement ?) autobiographique de Matthieu Forichon. Au gré des pièces visitées et des objets retrouvés, l’auteur convoque des flashbacks le montrant enfant, avec son frère, se laisser intriguer par la piste d’un trésor. Les adultes avaient joué le jeu et les bambins s’imaginaient moult explications reliant les chevaliers à de Gaulle, avec une mystérieuse clé pour piste centrale à remonter. Simple et moderne, stylisé mais parfaitement lisible, le dessin se met au diapason d’un rythme narratif lent (l’entièreté de l’album se déroule sur une paire d’heures), d’un découpage serré, faisant la part-belle à la narration visuelle. A l’instar de la colorisation et de la météo, grisâtres au présent et lumineuses au passé, Forichon fait un grand écart sévère entre une déprime actuelle pluvieuse et son enfance radieuse. Evidemment, les souvenirs se concentrent sur le mois de juin 1988, celui de la finale de Leconte à Roland Garros, celui où ils avaient perdu la massue du Musclor en plastique sous l’armoire, celui où ils avaient réussi à regarder Les dents de la mer 3 en cachette, au milieu de la nuit, en crypté sur Canal plus. Ah nostalgie, nostalgie…