L'histoire :
Une bourgade états-unienne, fin des années 1930 – Le docteur Bernard Adrian rentre chez lui à bicyclette. Passant devant une affiche, il s’arrête. Un cirque s’est arrêté en ville. Il promet, comme attendu, « les plus incroyables spectacles au monde (!) » et notamment Kong le gorille. Arrivé à destination, il surprend une bande de gamins à jeter des pierres contre ses carreaux. Il parvient à en attraper un, le gronde sévèrement, puis le laisse filer. Il glisse enfin un mot à sa dévouée – et muette – Jane qui l’attendait sur le pas de la porte et pénètre ensuite dans son laboratoire de campagne. Il jette un regard à un portrait de famille vieilli, empoigne un chien sur la table d’opération et jure : bientôt, tu pourras courir à nouveau… Le docteur Bernard Adrian est arrivé en ville l’année dernière, avec l’épidémie de poliomyélite. Il fut alors d’une grande aide, mais à présent ses secrètes expériences inquiètent. Les plus folles rumeurs courent à son sujet – des chiens ont disparus – et beaucoup aimeraient le voir partir. Pourtant personne n’ose le lui dire en face. Bernard Adrian suit avec attention l’état d’une jeune infirme dénommée Frances. Frances ne peut pas marcher. Elle est condamnée à la chaise roulante. Sa mère, Mme Clifford, veille sur elle ainsi que Danny, son ami. Bernard Adrian, la quarantaine avancée, poursuit avec elle une rédemption personnelle. Il y a 10 ans, il n’a pu sauver sa femme et sa fille ; Frances, elle, remarchera quel qu’en soit le prix…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette lecture a un goût de déjà-vu. Adapté en effet du classique tourné par Boris Karloff en 1940, The Ape – « Le Grand Singe » – réveillera chez certains des souvenirs plus ou moins vivaces et ne manquera pas d’éveiller l’intérêt des autres. Alors que souvent, il appartient au 7e art de pomper allègrement l’essence du 9e, cette fois l’exercice inverse se révèle instructif et, donc, point dénué d’intérêt. Le génie du Grand Singe réside en son scénario, bien sûr, et en sa mise en scène. Oubliez les effets spéciaux à la mode qui vous en mettent plein la vue pour faire justement oublier la pauvreté des idées : le film repose sur une ambiance à la frontière de l’étrange, dont le pouls (et celui du spectateur avec) croît l’intrigue avançant. Ou comment d’une querelle de clocher on fait un miracle ! Le jeune Cédric Pérez, auteur l’année passée du déjà étrange Caligari, parvient à restituer le mystère pesant et l’on plonge ainsi, pieds et poings liés, en cette bourgade américaine tout juste dégrossie. Les faux semblants, les « on dit » de clochers y règnent, même si l’adage se vérifie : point de fumée sans feu… Côté dessin, le trait hachuré de l’artiste, son mariage parfait – tout l’intérêt d’être un auteur complet – avec des couleurs choisies sombres et fortes, assurent l’essentiel et l’on ne perd pas une miette du moindre détail. Cette histoire d’une bête, d’un apprenti sorcier et réprobation sociale fait logiquement « classique » aujourd’hui. Pourtant, diable qu’elle est prenante ! On dit parfois quelque chose comme : c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleurs mets. Si l’idée était de donner l’envie de (re-)regarder l’œuvre originale, alors le pari est réussi. Si elle ne l’était pas, peu importe, il l’est de même. Un one-shot à (re-)découvrir.
