L'histoire :
Alors qu’il est enfant, Richard Kolinka (NDLR : ancien batteur du groupe Téléphone) porte un regard singulier sur sa mère, Ginette. Pourquoi a-t-elle une série de chiffres, 78599, tatoués sur le bras ? Les autres mamans n’en ont pas. Il compulse secrètement un album photo appelé « Auschwitz ». Il y voit des prisonniers malheureux dans un camp, derrière des barbelés. Au cours de son adolescence, le fils et la mère en parlent. Ginette Cherkasky était une jeune femme juive pendant l’occupation nazie. Elle et sa famille ont été déportées à Auschwitz-Birkenau, pour y être maltraitées, exploitées et exterminées. Cela commence en 1942 par l’obligation de porter une étoile jaune dans les rues de Paris occupée. A l’époque, Ginette, de tempérament toujours joyeux, prend cette obligation à la légère. Elle est même plutôt fière d’être d’origine juive. Elle ne comprend pas pourquoi cela serait un problème, en soi. Juif, ça n’est pas une insulte ! Et cette haine remonterait à cette antique histoire mythologique avec Jésus ? Ça n’a pas de sens. En attendant, ça la contraint à plein de règles pénibles. Des métiers interdits, des biens confisqués comme les TSF, les vélos, les téléphones. Ils ont un wagon réservé dans le métro et l’obligation de faire leurs courses en dernier, en pleine période de rationnement. Heureusement, les gens ne sont pas tous antisémites et beaucoup les aident. Notamment ce soir-là, lorsqu’un fonctionnaire zélé de la préfecture toque à leur porte pour les prévenir que leur nom est apparu dans la liste de la prochaine rafle. Ils ont été dénoncés. La famille doit fuir rapidement en zone « nono »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Adieu Birkenau n’est pas vraiment la première BD sur la shoah. Mais en prenant le prisme des souvenirs authentiques et sincères de Ginette Kolinka, une personnalité exceptionnelle toujours en vie aujourd’hui, le témoignage est extraordinairement crédible et bouleversant. En 2023, les survivants d’Auschwitz-Birkenau comme elle, ne sont plus si nombreux… et les germes sociaux de la seconde guerre mondiale semblent loin derrière nous. Il est d’une importance monstre que ce qu’ils ont vécu reste un repère à tout jamais inscrit dans la Mémoire et serve l’éducation des nouvelles générations. Bien qu’il soit déjà à l’œuvre sur une BD du même genre (Madeleine Résistante, autour des souvenirs de Madeleine Riffaut), Jean-David Morvan a accepté la proposition du journaliste Victor Matet de scénariser ces nouveaux souvenirs. Aux côtés de la Ginette d’aujourd’hui, la narration nous emmène donc à Birkenau, en Pologne, pour un voyage pédagogique concentré sur les souvenirs précis de Ginette Kolinka, représentée jeune et/ou âgée, aux deux époques entremêlées. Les souvenirs imprécis, Ginette n’en parle pas, d’autres le feront bien à sa place. Rappelons que Birkenau était le centre d’extermination d’Auschwitz, lui-même camp d’internement. Ginette raconte donc beaucoup de choses absolument atroces, mais vraies. On a beau le savoir, avoir beaucoup lu, vu Nuit et brouillard, La vie est belle ou La liste de Schindler… ça vous remet une sacrée gifle quant à l’horreur absolue de cette shoah. Mais le pire, c’est que Ginette avoue qu’aucune représentation n’égale l’ampleur de l’abomination qu’ils ont vécue. Graphiquement, Efa, Cesc et Roger trouvent le moyen de traiter la chose sans sombrer dans l’indécence. Par exemple, à l’intérieur du camp visuellement reconstitué, les prisonniers croisent des ombres, noires et éthérées, qui font les sales besognes. Au sortir de Birkenau, Ginette ne pesait plus que 26 kilos.