L'histoire :
Une maison, une famille, un repas, scène de la vie quotidienne. Ninon mange vite pour repartir jouer sans débarrasser son assiette. Son frère la rejoint. Ils entendent alors des éclats de voix : leurs parents se disputent. Les enfants se demandent si c’est à cause de leurs petites bêtises. Comme tous les week-ends, ils se préparent pour un repas avec oncle et tante. 12h premier verre. Puis 13h, 14h… 19h. La maman de Ninon ne tient plus debout … L’œil vitreux, des paroles inaudibles, le nez rouge, elle devient comme un rhinocéros lorsqu’elle a trop bu. La famille se prépare à rentrer chez elle, la mère est désolée que ça ait recommencé… De retour à la maison, elle part directement se coucher, tandis que le père explique à Ninon que sa mère est comme ça, car elle est malade. Elle boit de l’alcool pour oublier ses problèmes. Mais il ne faut pas en parler, c‘est un secret, comme dirait un papa ours pour protéger ses petits. Ninon se sent alors comme une souris, déambulant dans une jungle de bouteilles, de verres, de rhinocéros, d’ours. Elle se dit alors que si l’on ignore certaines choses, elles finissent par disparaître…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour un premier ouvrage, Camille K, fraîchement diplômée de l’académie Delcourt, puise sans filtre dans son vécu. Elle nous plonge dans le huis-clos familial de Ninon. Sa maman est malade, mais son père insiste pour que cela reste secret. Pourquoi ? Nous comprendrons simplement que, suite à un cumul de problèmes, travaillant seule pour assurer la subsistance du foyer, cette maman aura trouvé le réconfort dans la bouteille. La métaphore anthropomorphique est habile pour matérialiser cette mère qui se détruit et impacte son entourage : elle devient un rhinocéros rouge dès lors que l’alcool l’envahit. Ninon, la petite fille de la maison, ne comprend pas toujours pourquoi sa maman crie souvent, devient sale, est vite fatiguée. Les violences verbales et psychologiques sont quotidiennes. Ninon est comme une petite souris frêle et interrogative. Sa colère montera et elle se fera rat, dès lors qu’elle atteindra son paroxysme. Cette enfant pousse un cri que personne n’entend. Sa famille est dans un cercle vicieux dont elle ne peut sortir sans aide extérieure. Sa mère est dans le déni et le délire de persécution ; son père, devenu ours, découragé, ne sait plus comment aborder le sujet. Il lui demande d’être gentille et d’accepter. Toutes les sensations et émotions sont matérialisées par un jeu de couleurs entre bleu et rouge, et un graphisme singulier qu’il faut saluer. Nous noterons la symbolique du rat sur l’épaule de Ninon, comme un garde-fou : elle a fini par accepter la situation de sa mère, mais sa colère sera toujours là. Une description juste et sensible des sentiments d’incompréhension, de colère et d’impuissance d’une famille qui implose de l’intérieur. Et nous ? Comment agirions-nous si quelqu’un de notre entourage était dans une telle détresse ?