L'histoire :
Couronné roi de Sicile en 1130, le seigneur normand Roger II de Hauteville parvient à apaiser l’île méditerranéenne tiraillée par plusieurs cultures : byzantine, juive, musulmane et chrétienne. Il prône la tolérance, la paix inter-religieuse, l’ouverture au monde. A ce titre, il engage un travail de longue haleine, en commandant au géographe arabe Charif Al Idrisi la réalisation d’un nouveau planisphère du monde connu. Al Idrisi voyage donc beaucoup, afin de reporter ses observations sur papier. Mais il recueille aussi énormément de renseignement auprès de divers binômes envoyés aux quatre coins de la Méditerranée, mer centrale. Leur mission : dessiner le monde en mots et en images. Aylan et Paul de Batz font partie de ces grands voyageurs, et logiquement, ils ne manquent pas d’anecdotes incroyables sur leurs découvertes et leurs rencontres. Ils se chargent aussi de rapporter du velin de Saint-Michel en quantité à leur ami moine copiste Eudes, resté en Sicile. Ce jour-là, Eudes fait connaissance avec William de Baskerville, un moinillon confié à la bonne garde de son ami musulman Siméon par Al Idrisi. Le jeune William s’intéresse plus aux filles qu’à la Bible, mais il s’interroge surtout sur cette curieuse alliance inter-religieuse qui défie les modes belliqueuses de ces temps…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette bande dessiné de petit format souple se démarque clairement des chemins mainstream des grands éditeurs, à la fois par son sujet historique et son approche séquentielle. Auteur complet, Yann Madé porte en effet ici le focus sur l’œuvre étonnante d’un géographe musulman au XIIème siècle (soit l’an 544 de l’Hégire, alias le calendrier musulman), Al Idrisi : réaliser une cartographie du monde connu, avec les moyens de l’époque. C’est-à-dire, sur la base de relevés de terrain et de témoignages de divers binômes envoyés de par le monde, à partir du point central de la mer Méditerranée. Le résultat visuel se trouve en couverture et peut se comprendre en la regardant à l’envers. A travers les pérégrinations d’Aylan et Paul de Batz, ou les interrogations espiègles de William de Baskerville, Madé nous donne à considérer un moyen-âge surprenant, éclairé, ouvert, très éloigné des clichés obscurantistes habituels. Le cœur du sujet est donc éminemment original et intéressant… Dommage que le rythme séquentiel soit aussi confus et que le dessin inégal, étouffé par une colorisation au lavis gris-ocre monocorde, ne permette pas souvent de bien saisir toutes les intentions. Néanmoins, de nombreuses informations et considérations historiques sont dispensées et contribuent à remettre en perspective notre regard sur la géopolitique actuelle.