L'histoire :
Yannick est breton. A 16 ans, il décide de devenir skinhead. Pas de ceux qui écoutent du reggae, encore moins de ceux qui font partie des rouges et de l'infâme vermine communiste. Non, lui et deux de ses potes comptent bien défendre corps et âme l'identité de la Nation et de leur région. L'Occident, la race blanche et la patrie seront leurs mamelles. Ce week-end s'annonce prometteur : ils ont rendez-vous chez Erwan. Ce mec doit être un dur à cuire car il vient de sortir de tôle et se propose de mieux les introduire dans le milieu. Ce qu'ils ignorent, c'est que cette rencontre va comporter quelques surprises, pas forcément drôles...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Introduit par des Rottweilers en couverture avec des gueules d’équarrisseurs, ainsi qu'un beau titre en typographie bien germanique, le ton est donné. Une quatrième de couv' où un mec lève le bras et un autre porte un T-shirt avec une croix gammée, ça fait encore plus drôle. Mais en scrutant le nom des auteurs, toute ambiguïté possible est levée : Dav Guedin au scénar' et Craoman au dessin. Les mêmes gars qui avaient signé Colo Bray Dunes, un des récits les plus intelligents sur le handicap. Avec Breizhskin, ils nous offrent une plongée en terre bretonne, retraçant l'adolescence de 3 jeunes paumés qui viennent de devenir skinheads. Ces derniers vont rencontrer Erwan, un sombre taré de nazi à la personnalité psychopathologique, qui va les driver dans le mouvement. Bref, une sorte de stéréotype du pire des fachos. La connerie crasse de cet adulte en est délirante et son emprise sur ces jeunes est infâme, car elle fait écho à leur vacuité. S'approcherait-on de l'exercice anthropologique séquentiel ? Cette relation pathologique entre un adulte complètement fou et des jeunes au crâne creux est idéalement mise en images par le tandem d'artistes, qui se partage à qui mieux mieux l'étrangeté des graphismes. Pas facile à deviner (surtout que l'éditeur ne précise pas que les deux dessinent), mais il faut avouer que le résultat est là : les planches bastonnent façon coup de poing américain. Un dessin inquiétant, résolument indé, du Noir et Blanc halluciné, qui évoque Crumb ou Charles Burns et les nuances qui séparent les deux auteurs renforcent la singularité du bouquin. Bref, le graphisme fait forte impression et s'avère parfait pour coller aux Doc Martens de ces crânes rasés. Une BD qui tabasse sa race !