L'histoire :
Josh et Lola, deux adolescents, flirtent dans une ancienne salle de classe dévastée. Ils se promettent de se retrouver dans une boîte de nuit, le soir même, car Josh doit rentrer chez lui : sa mère l’y attend. Il traverse alors une partie de la ville en skate, une ville quasi déserte et en ruine : une apocalypse est visiblement passée par là. D’ailleurs, des bêtes sauvages sans doute échappées d’un zoo, prolifèrent désormais par endroits. Josh croise des loups occupés à fouiller des poubelles. Lola, elle, croise des singes, avant de découvrir une poignée de jeunes de son âge en train de s’amuser dans la piscine de sa mère. Sa mère a en effet décidé de prendre du bon temps et elle les a invités chez eux… espérant plus si affinités. L’arrivée de Lola met un terme à la fiesta : elle vire tout le monde et enguirlande sa mère. Le soir venu, tous se retrouvent devant la boîte de nuit The wood. Lola refuse d’accompagner à l’intérieur la bande de bourges fumistes qu’elle a virée le midi, elle préfère rester avec Josh et Guizmo, un autre pote. Mais un peu plus tard dans la soirée, lorsque les deux bandes se retrouvent encore à s’houspiller dans un square, ils sont attaqués par un ours. D’un coup de patte griffue, l’animal défonce la tête d’un jeune, tué sur le coup. Tous s’enfuient en s’éparpillant, dont Josh, avec du sang plein le visage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bien que ses circonstances ne soient jamais expliquées, le contexte de cet album en one-shot est post-apocalyptique – ou du moins post sévère marasme économique et social. Dans cette ville a priori américaine, les habitations sont quasi toutes laissées à l’abandon, le trafic routier ramené à zéro (plus d’essence ?), l’urbanisation fantôme est désormais peuplée de Bêtes sauvages typiques de la savane africaine, qui prolifèrent : loups, singes, girafes, lions, zèbres, éléphants, crocodiles… Et néanmoins, les acteurs de cette « parabole sociale » vivent là « normalement » et endurent toutes les contraintes qui composent désormais leur environnement. Ils flirtent, vont en boîte, se chicanent dans des bandes rivales… et cohabitent avec cette faune pléthorique sans trop ciller. L’auteur complet Loïc Godart ne cherche pas exactement la cohérence post-apo d’un univers d’anticipation. Son intention narrative est plus sûrement symbolique. Elle cherche le parallèle matériel de la mutation psychique qui se produit lorsque les adolescents deviennent adultes, environnés par une société violente qui les laisse accomplir cette transition sans les accompagner. Ou du moins, c’est notre interprétation… vous aurez tout à fait le droit d’avoir la vôtre, étant donné le savant flou entretenu par Godart. Son dessin plutôt réaliste se montre parfois d’une grande justesse, avec le souci du détail dans les décors en décrépitude ; mais il se laisse aussi aller à des « fautes volontaires » de proportions ou de perspectives (ex : les gens dans les voitures p.35), qui contribuent à l’ambiance tendue et sordide. La colorisation subtile et sur-contrastée, établie sur un échéancier réduit de teintes en aplats un peu kitsh, ajoute elle aussi au sentiment de malaise.