L'histoire :
1933. Une femme sort de la prison de Bedford Hills et allume une cigarette. Son ami venu la chercher lui demande comment s’est passé son séjour. Stéphanie Saint Clair explique alors à Bumpy Johnson que le juge Wallace lui a obtenu une cellule plus confortable. Mais vu que ce qu’elle le paye, c’est la moindre des choses. Ils prennent la route et s’aperçoivent qu’ils sont suivis. Le soir même, ils se rendent à la rent party du peintre Charles Alston. La fête bat son plein, la musique résonne dans tout l’appartement. Elle annonce une bonne nouvelle au pianiste Thelonious Monk : il jouera au Smalls Paradise. Elle explique aussi à un autre homme l’art d’aligner ses comptes. Il a 24h. Bumpy lui apprend que les caïds Schultz et Luciano gagnent du terrain. Mais Queenie a un jeu d’avance : le numbers game. La loterie clandestine. Elle veut trouver un moyen d’écarter Schultz. Dans le quartier de Harlem, Sa Majesté Queenie est prête pour ses sujets. Elle reçoit tout d’abord M. Ford, qui la remercie pour le prêt qu’elle lui a accordé afin d’ouvrir sa boulangerie. Se présente ensuite la famille Hamilton. Ces parents désemparés se tournent vers elle car le boucher du quartier a fait des choses à leur fille. Elle en fera une affaire personnelle. Elle se rend dans le studio photo de James Van Der Zee pour se préparer à faire passer des annonces dans le Amsterdam News…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La couverture noire, dorée et blanche attire l’œil. Mais qui est Queenie, cette marraine de Harlem ? Les éditions Anne Carrière produisent peu de bande dessinée, mais force est de constater qu’elles réalisent là un coup de maître, d’une part avec un objet-livre superbe, et d’autre part, avec une histoire singulière et inédite. Sur une idée originale de l’artiste-peintre Elizabeth Colomba, Stéphanie Saint Clair est mise en lumière grâce à un long travail de recherche. Avec la complicité de la réalisatrice de documentaire, Aurélie Lévy, toutes deux se sont penchées sur la vie de cette femme noire, d’origine martiniquaise, qui a fui son île pour tenter le rêve américain. A la fin de prohibition, Queenie organise des loteries clandestines qui ont vocation à pallier les défaillances d’un système ségrégationniste envers les noirs. Elles ont co-écrit le scénario en quelques mois, d’abord en anglais pour garder l’esprit et le phrasé new-yorkais, puis l’ont traduit en français. Ce scénario minutieux alterne le quotidien à Harlem, avec l’enfance et l’adolescence de Queenie, accentué par un découpage dynamique. Le lecteur comprendra alors comment elle s’est construite et endurcie face aux violences récurrentes subies. Elizabeth Colomba décrit Queenie comme une super héroïne avec ses forces et ses faiblesses. Une femme forte. Élégante, en tailleur de marque, elle s'impose par son charisme. Elle jongle avec la pègre. Afin de dessiner personnages et décors, l’artiste-peintre a changé de médium : elle est passée des pinceaux à la tablette. Elle a aussi voulu garder cet esprit en noir et blanc pour caractériser Harlem, aux antipodes de son travail habituel, très coloré. Il en ressort un graphisme d’une précision remarquable. Alors plongez au cœur du Harlem des années 30, à la rencontre d’une femme de poigne et bienfaitrice à la fois.