L'histoire :
Burg Weltz, en Burgondie. Dans le château royal, une domestique hurle le nom de Kriemhild. Elle cherche partout cette enfant, princesse et fille du roi Dankwart. Elle se rend dans l'écurie, où les frères de Kriemhild la trahissent, et dévoilent l'endroit où elle se trouve. Elle est traînée de force jusque dans le château. Elle est couverte de boue, elle n'est pas présentable, alors que l'un de ses prétendants vient lui rendre visite. Mais Kriemhild est hors d'elle : pourquoi est-ce toujours à elle d'accueillir ces ennuyeux visiteurs ? Pourquoi est-ce à elle d'être mariée sans qu'on lui demande son avis ? Kriemhild le jure. Lorsqu'elle sera reine, elle abolira ces lois stupides : les filles ne devront plus jamais se marier et elles auront le droit de monter à cheval, comme les garçons. Sa mère la reine entre à ce moment dans la pièce où Kriemhild fait sa toilette avec sa domestique. Elle lui rappelle que la vie n'est pas une partie de plaisir. En tant que princesse de Burgondie, elle a des obligations, et elle peut oublier ses grands rêves. Les femmes de son rang ne gouvernent pas, elles épousent des rois et enfantent des héritiers. Peu importe ce qu'elle pense, ce n'est pas elle qui fixe les règles. Elle est conduite au prince Dietrich de Berne. Certes, elle le trouve gentil, mais elle ne l'épousera pas. Elle préfère devenir reine de Burgondie. Si elle se marie, cela sera seulement pour ne pas avoir à tout faire toute seule.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Veerle Hildebrandt adapte le Nibelungenlied, une épopée germanique du XIIIème siècle, sous forme de bande dessinée. Ce texte a déjà été adapté à de multiples reprises, par Richard Wagner ou Fritz Lang, par exemple. Mais ici, l'autrice propose une version simplifiée, reprenant les grands axes du récit, cette fois-ci du point de vue des personnages féminins. La société médiévale est très masculino-centrée, et l'on raconte les exploits des chevaliers et des héros. Mais les femmes sont les grandes oubliées de ces récits. Alors, Veerle Hildebrandt met à l'honneur Kriemhild et Brunehilde, deux femmes qui rêvent de liberté et d'indépendance, et qui subissent une vie imposée par les hommes. Si le dessin est très agréable, maîtrisé avec une apparente simplicité, il vient contrebalancer une histoire où la violence est de mise. Les lecteurs seront confrontés à des scènes de viol, de violences conjugales, ou à des épisodes sanglants. Il y a un certain classicisme, inspiré du récit originel, dans le déroulé de l'histoire, mais aussi dans le découpage très lisible. L'ajout d'arbres généalogiques simplifiés lorsque nous changeons de chapitres, permet de s'y retrouver dans l'évolution des protagonistes. L'album se déroule sur une longue période : il aurait peut-être été appréciable que la psychologie de certains personnages soit davantage développée, par exemple celle de Brunehilde, qui est mise à l'honneur sur la première moitié du récit, avant d'être mise un peu en retrait. Ce conte revisité et réussi permet de voir les choses sous un angle différent, et féministe.