L'histoire :
Le prisonnier Climby arbore en permanence un sourire narquois qui a le don d’agacer le chef du pénitencier, le chef Hunter, cultivé et autoritaire. Ce dernier est bien décidé à « casser » cet ignare heureux de Climby, à force d’humiliations et de harcèlement. Mais un jour, Climby profite d’une sortie dans le cadre de travaux forcés et groupés, pour prendre la poudre d’escampette. Une seconde d’inattention de ses gardiens et il file à travers les fourrés, traverse une rivière à la nage et rejoint une petite route derrière une forêt. Hunter a beau lâcher ses chiens, ils le rattrapent trop tard : Climby est grimpé à bord du pick-up conduit par la belle Sally, qui lui avait donné rendez-vous à cet endroit précis. Ils mettent aussitôt le cap sur la Louisiane, car Climby entretient le doux rêve de construire une cabane sur un îlot du bayou, le « plus bel endroit du monde »… quand bien même ce havre de paix a pour voisin un énorme et vieil alligator prénommé « Coffin ». Or, tandis que Climby et Sally taillent la route, observés par deux étranges mormons, le chef Hunter dépose auprès de son directeur une semaine de congés. Il entend bien récupérer lui-même Climby, il en fait une question de principe. Hunter a décidé que la manipulation mentale de Climby serait son chef d’œuvre de modelage en psychologie humaine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement publié en 1988 au sein de la collection Berthet (de Dupuis), L’œil du chasseur profite aujourd’hui (33 ans plus tard !) d’une luxueuse réédition par les éditions Anspach. Cet écrin grand format, sur papier mat rugueux, complété par un dossier final très complet (genèse, contexte, inspirations, analyse et témoignages des auteurs, le tout enrichi par une belle iconographie), remet l’œuvre à son juste niveau d’excellence. Les jeunes lecteurs (de moins de 50 ans) peuvent ainsi découvrir cette histoire de chasse à l’homme multiple et torturée – à l’image des scénarios de Philipe Foerster. Le personnage candide de Climby, un imbécile heureux, est en fuite ; il compte retrouver son magot et se faire oublier le reste de ses jours en compagnie de sa fiancée, dans un coin de paradis. Evidemment, c’était sans compter sur le chef du pénitencier, le bien-nommé Hunter (ce qui signifie « chasseur » en anglais). Mu par une opiniâtreté radicale, ce personnage incarne le méchant par bien des aspects : il a un œil de verre, il est indécemment cultivé, il aime la traque, et sa grande passion est la maîtrise mentale de ses proies. Pour autant, il ne sera pas le seul chasseur de cette histoire, qui trouve son point d’orgue lors d’une confrontation tragique dans les marécages de Louisiane infestés d’alligators (voir couverture). Le scénario vachard et sordide de Foerster est enluminé par le dessin semi-réaliste de Philippe Berthet, une sublime ligne claire qui se fait aujourd’hui trop rare. Cadrages et découpage, décors et personnages, rythme et suspens, tout est parfait. Grand merci, les éditions Anspach !