L'histoire :
Huub et Sara viennent d’hériter d’un manoir légèrement en ruine, au fond d’une épaisse forêt des Pays Bas. Une opportunité pour cet architecte et cette artiste peintre de relancer leur couple, après la mort accidentelle de leur petit garçon Ruben (renversé par une voiture). Dès leur arrivée pour la première fois sur les lieux, ils sont obligés de dégager de lourdes branches qu’une récente tempête a mises en travers du chemin. Ils découvrent la bâtisse avec un sentiment mitigé : il y a tout de même énormément de travaux… Mais elle a un charme fou et une fois bien retapée, ce sera un petit paradis. Ils commencent à projeter leurs espaces ateliers respectifs et pourquoi pas ouvrir un B&B ! Ils essaient d’aller au fond de leur domaine, mais ils ne connaissent pas les limites de leur parcelle, a priori très vaste. Ils s’arrêtent au bord d’une curieuse mare, qui a été générée par le déracinement d’un gros arbre. Huub repère d’étranges signes cabalistiques gravés sur les arbres alentours. On dirait ces graffitis tout droit sortis de Blair Witch Project ! Sara, elle, est comme subjuguée par la noirceur de l’eau… Mais ils doivent vite rebrousser chemin : les déménageurs viennent d’arriver.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a un gros petit quelque chose de Simetierre (le roman d’épouvante de Stephen King) dans cette Mare noire et inquiétante, située dans une forêt touffue (donc ténébreuse), au fond d’une propriété nouvellement acquise par un couple en plein deuil. Après l’aventure viking médiévale L’Exilé, le néerlandais Erik Kriek change donc radicalement de registre. Huub et Sara vont en effet être victimes d’une malédiction relativement classique de l’épouvante, option accumulation de cadavres et ésotérisme glaçant. Bien entendu, leur perception de la réalité est altérée par leurs souvenirs, leur deuil de leur petit garçon décédé dans des circonstances horribles, par leurs cauchemars autour de cette épreuve. Et plus les personnages sont expressifs, plus ils sont flippants (Magda, la voisine…). Kriek joue pleinement cette carte fantomatique, en faisant monter la tension jusqu’au paroxysme final. En totale adéquation avec le registre, son dessin semi-réaliste très travaillé, sans contour de formes, accentue toutes les ombres à l’extrême, par un noir pur d’encre de Chine. La colorisation joue sur 4 teintes uniques en aplat : noir, orange saumon délavé, vert d’eau glauque et le blanc de la page qui ressort du papier par petites touches comme une couleur. Et parfois une scène ou un rêve impose une accumulation de rouge (de Chine, aussi). Mais c’est tout de même globalement très noir. Aussi noir que le fond de l’eau d’une mare noire. Vous reprendrez bien un café ?