L'histoire :
Le 20 novembre 1996, deux individus pénètrent de nuit à l’intérieur de la villa moderne de l’artiste peintre Chris Van Meer. L’un d’eux plonge sa chaussure dans une cuve de bioxyde de chlore, un liquide corrosif qui lui ronge sa chaussette et lui brûle le pied. Un faux mouvement leur permet de dévoiler la prochaine toile d’art contemporain que l’artiste s’apprête à révéler au monde… mais aussi de faire du bruit, ce qui alerte Van Meer, alors occupé à l’étage à faire l’amour avec son épouse. Van Meer descend en peignoir et met les individus en fuite. Quelques jours plus tard, alors qu’il est la star fort peu humble du vernissage d’une nouvelle exposition consacrée à son œuvre, Van Meer en profite pour signer un gros contrat avec un client. Ce dernier veut une sculpture majestueuse pour orner le hall de son siège social, et il offre deux millions. Van Meer signe le contrat, qui liste dans le détail tout ce que devra comporter l’œuvre. Puis il est rapidement absorbé par une visiteuse aux formes généreuses… qui se laisse très volontairement culbuter par Van Meer dans une pièce du musée qui sert de réserve. Dans les jours qui suivent, Van Meer se met au boulot. En quelques jours, il est grisé par sa propre auto-satisfaction ! Il vient d’atteindre un sommet artistique qui va le faire entrer au panthéon des plus grands. Hélas, le lendemain, chez son coiffeur, il ouvre une revue et découvre ses propres œuvres exposées dans une galerie de San Fancisco, et signées d’un certain Tommy Crane. Il hurle au plagiat !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plagiat ! a originellement été publié chez les Humanoïdes associés en janvier 1989. Ce thriller en one-shot a même été nominé cette année-là pour l’Alph Art du meilleur album (l’ancêtre du fauve)… Mais il ne l’a pas eu. Dommage, car un « Alph Art » pour une histoire qui se déroule dans le milieu de l’art contemporain, ça aurait fait sens ! Cela dit, ce thriller imaginé par Benoît Peeters et François Schuiten est par trop tortueux, indécis et confus pour séduire totalement. Certains éprouveront une tendre nostalgie pour ce type de narration désuète, qui suit une idée intéressante, mais sans trop réussir à gérer le rythme de son suspens, ni ménager sa chute. Il en va un peu de même pour le dessin daté d’Alain Goffin, dans une ligne claire très proche de ce que faisait Serge Clerc. Les coupes de cheveux improbables, les fringues aux motifs criards, les œuvres elles-mêmes se répondent et s’entremêlent en une même unité artistique. On sent l’impulsion d’une quête de sens dans l’Art contemporain, mais aussi l’envie de singer un registre pictural qui frise parfois le n’importe quoi. Pour cette réédition par les éditions Anspach, Goffin a fait un impressionnant travail de relooking, pendant 18 mois. Les cases ont toutes été intégralement redessinées en numérique, parfois avec quelques bricoles de détails qui changent, des clins d’œil à Geluck ou à Tintin insérés par endroits, une police de caractères plus élégante et surtout une recolorisation moins criarde, mais toujours en aplats. En somme un plagiat de Plagiat! par son propre auteur : une jolie mise en abyme.
