L'histoire :
Louise, une amie de Pierre Wazem, qui est aussi « une incroyable créature venue d'on-sait-pas-où, un génie absolu du dessin et de l'art en général » est partie s'installer aux Etats-Unis. Grosse erreur ! Et Pierre Wazem, en quelques lettres bien senties, va lui prouver pourquoi il ne fallait pas quitter les Studios Lolos, seul endroit au monde qui applique à la lettre les principes du Marxisme tendance Groucho. On y fait du dessin, du graphisme et du cinéma ! C'est en tombant sur leur correspondance faite de fax, lettres et mails que le dessinateur a eu envie d'en faire une synthèse. Il évoque ainsi les collègues du bureau – Aloys le jogger super drôle à se tordre le bide, Ivain le fou et Mathieu, curieux playmobil. La preuve qu'Ivain est fou, d'ailleurs, c'est qu'il est heureux ! Plus tard, Pierre Wazem relate sa relation presque sexuelle à l'alcool, qui le rend désirable à lui-même et lui donnerait presque envie de faire l'amour à un tabouret. Mais aussi la mort de son ami François, les vacances en kit, la vie du père au foyer qui glande, la déprime d'une journée à rien faire ou encore la douleur du travail de création. Des tranches de vie pour savourer, se marrer... ou déprimer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On avait quitté à regret Pierre Wazem sur le surprenant et onirique Mars Aller-Retour. Pas grave, l'auteur revient dans une veine intimiste chez un éditeur indé avec Chère Louise, une BD enthousiasmante, façon relation épistolaire sur le sens de l'existence. Léger en apparence mais profond par la vision du monde qu'il déroule, le livre se déguste par petits bouts, histoire d'éviter la noyade. Car le bouquin est dense, certes, mais souvent amusant et finaud : l'auteur se met en scène en artiste glandeur, en père louvoyant, en pote sincère, en philosophe lucide, sans jamais se prendre au sérieux et avec un humour toujours teinté de désespoir. Affûté mais désabusé, il déprime parfois, erre dans un monde qui ne lui ressemble pas, se paye de bonnes tranches de rigolades aussi et, l'air de rien, parvient à retrouver un peu le sens du bonheur et des plaisirs simples. Chez Wazem, on est entre potes, on se tape dans le dos avant de se boire une petite binouze et on se marre. Ou du moins on essaye. Le dessin, minimaliste souvent, plus gras et abouti ailleurs, aère des planches riches, foisonnantes de lucidité, de drôlerie et de franche camaraderie. Armé d'ingrédients simples mais efficaces – sincérité, empathie, humour – Wazem nous embarque dans son monde avec la légèreté du gars qui a juste envie d'explorer tous les recoins de la vie, sombres ou lumineux, à coups de petites pensées existentielles sans conséquences. Pas de scénar, pas de chute ou de story-board mais un sacré bon moment. Bref, on adhère très vite à ce regard sur le monde à hauteur d'homme. Comme un bon petit toast. Allez, tchin' !