L'histoire :
En raison de troubles de la personnalité, le jeune Cosimo est pensionnaire d'un hôpital psychiatrique. Mais avec l'aide de son ami imaginaire, il s'en évade durant une nuit. Il monte dans le premier train venu et se laisse emporter vers une destination inconnue dans la nuit. Pour calmer son stress, il se met à réciter dans sa tête le nom des planètes du système solaire – on le surnomme Cosmo en raison de sa passion pour l'astronomie. Arrivé au terminus, il s'arrange pour se faire enfermer dans la gare, en se cachant dans les toilettes publiques. Lorsque la gare est vide, une autre voix que son ami imaginaire l'informe en chuchotant qu'il a été repéré, depuis la cabine voisine. Mais ça n'est pas très grave : Ismael est un clochard malicieux au visage scarifié. Il l'emmène au dehors de la gare, jusqu'à sa planque en campagne. Il tente de parler à Cosmo, mais le gamin reste muet, comme il l'est la plupart du temps. Ismael propose ensuite à Cosmo de voler des œufs dans un poulailler. Mais les chiens du propriétaire se mettent à aboyer, depuis leur chenil. Ismael prend peur et s'enfuit, laissant Cosmo sur place, le bras coincé dans le grillage du poulailler, par un fil de fer barbelé. Le chien aboie et la nuit passe... Cosmo a attendu tranquillement, sans bouger, et les chiens se sont tuent. Aux premières lueurs de l'aube, les propriétaires rentrent – visiblement, ce sont des contrebandiers nocturnes. Cosmo sent la tension revenir. Quand il est repéré, il tire sur son bras et se libère, en s'écorchant un peu. Mais c'est trop tard, il est attrapé. Il sent qu'il va passer un mauvais quart d'heure...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet épais roman graphique à reliure souple contient un récit initiatique aux encrages noirs profonds et à la colorisation sobre, glauque à souhait – comme souvent chez les éditions Atrabile. L’italien Marino Neri nous donne à suivre ici un personnage central adolescent, muet, anormalement introverti, souffrant d’un dédoublement de la personnalité peu invasif, durant quelques jours : de son évasion de l’hôpital psychiatrique, jusqu’à son embarquement à l’arrière d’un camion, vers une destination inconnue. Entre temps, il aura rencontré un clochard, deux chasseurs violents, une adolescente dérangée et un vieil estropié à moitié aveugle, orphelin de fils et maître d’une armée de chats. L’histoire d’un cas social parmi les cas sociaux… Un parallèle relativiste est fait en permanence entre le destin insignifiant de ce gamin paumé et les étoiles : que sommes-nous, finalement, face à l’immensité de l’univers ? Certes, Cosimo/Cosmo ne sait pas exactement où il va – même s’il ambitionne le désert de l’Atacama – mais il a le don de mettre en perspectives l’homme abstrait et le concret. De quoi sommes-nous chimiquement composés ? De quel espace de mouvements dispose-t-on au cours d’une vie ? Quelques réflexions marquent, comme par exemple la baleine : deuxième créature la plus intelligente après l’homme, elle parcourt l’équivalent de la distance Terre-Lune au cours de sa vie. Cosmo n’a visiblement pas d’autre prétention que de nous permettre de relativiser, sans lourdeur ni fioritures. En ce sens, c’est plutôt réussi.