L'histoire :
Depuis qu'il va sur Internet, rien n'est plus comme avant. En effet, tout bascule un jour : il ne peut plus accéder aux sites, sa banque lui refuse tout et ses parents ne peuvent plus lui parler au téléphone. Quand il va au boulot, il trouve porte close. Reste la médiathèque pour accéder à Internet, mais tous les ordinateurs ont été cassés. Aucun taxi ne s'arrête devant lui. Seuls des images l'obsèdent sans arrêt : une tête sombre avec deux yeux perçants et une carte de visite avec les noms « Ray, Sexton et Wong, cabinet d'avocats ». Il décide de se rendre à l'adresse du cabinet et un seul taxi daigne s'arrêter. Alors qu'il s'approche de son but, son visage se liquéfie petit a petit. Quand il arrive là-bas, il a la surprise de remarquer que la secrétaire observe plusieurs webcams de jeunes qui ont les yeux vides. Reçu par le meilleur avocat du cabinet, il a une autre surprise. L'homme regarde son dossier et lui indique qu'il a d'excellentes références alors qu'il n'a jamais travaillé dans ce domaine. Il est recruté pour trier des papiers étranges et sa vie change du tout au tout...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Michael Deforge ne va pas vous ménager avec cet album atypique. A mi-chemin entre l'univers absurde de Kafka et les tableaux dégoulinants ou tordus de Salvador Dali, on plonge dans les méandres de l'âme humaine. Des mini histoires sont développées de façon totalement originales, voire énigmatiques. Rien que les sujets traités sont des chocs : une loterie sanglante est organisée pour éradiquer la surpopulation où les perdants seront éliminés. Un repas de Noël en famille tourne au carnage. Des poissons charmeurs font tantôt des compliments, tantôt insultent les gens qu'ils croisent. Un professeur homosexuel doit découvrir la débauche et la drogue pour tenter de calmer l'érection de son compagnon qui ne s'arrête jamais. Un couple découvre une île ou les animaux portent des armes. Un ophtalmologiste rentre dans la tête de ses patients pour oser faire ce qu'il ne ferait pas dans sa propre vie. Les sujets tournent souvent autour de l'amour et du sexe et le propos si particulier de Deforge révèle une nature tourmentée. Le dessin viscéral participe à ce malaise et les chutes des saynètes mettent en avant une société qui n'a plus de sens. Alternant le noir et blanc et la couleur, le dessin réaliste et le rendu figuratif, chaque passage est une découverte graphique et un non-sens visuel des plus étranges. Le sens est d'ailleurs difficile à saisir sur certaines histoires, le style est parfois très déroutant. Bref, l'album est surréaliste : l'auteur ouvre notre cerveau avec une pioche et la révélation de cette autre réalité peut vraiment faire mal. Il faudra donc se fier au ressenti émotionnel pour tenter de trouver les clefs de cet univers opaque et déjanté. Malheureusement, cette lecture rebutera pas mal de monde. Il y a pourtant un voyage à faire : celui des méandres et des faces obscures de notre être. Deforge dresse le tableau, à vous d'y rentrer ou de rester immobile devant cette œuvre iconoclaste.