L'histoire :
Une forme féminine dotée de mamelles tombantes ouvre sa bouche et en laisse échapper une autre, qui s’ouvre à son tour pour laisser filer des filaments-bouches qui s’allongent et se mêlent pour former un petit personnage avec un air de Mickey Mouse immaculé. Bientôt, une ribambelle de ces créations baveuses et mousseuses s’amuse aux pieds de leur matrice, qui les étête parfois, ne laissant qu’une tête de fraise attachée au petit corps, et les lèche goulûment…
Le capreolus vulgaris ou cerf tâcheur, ressemble à son cousin le cerf de Virginie à cela près qu’il est de la famille des limaces. Il vit en petits troupeaux que l’on trouve en Ontario principalement. Ses bois sont en fait des colonies de polypes qui s’attachent aux jeunes pendant d’adolescence et accompagnent l’animal tout au cours de sa vie, se nourrissant des tissus nécrosés de son hôte. Hermaphrodite, il s’accouple à l’aide d’un pénis situé à la base du cou, qui se mêle à celui du partenaire en une sorte de long filament permettant l’échange de semence. Aveugles, ils s’orientent grâce à des capteurs nerveux circulaires situés de chaque côté de sa tête. Il a également une tendance à de sérieuses dépressions, auxquelles s’ajoutent crises d’angoisse, troubles du sommeil et anxiété…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fer de lance d’une certaine forme de culture nord-américaine, Michael Desforges a tous les feux au vert pour laisser exprimer sa créativité en toute liberté. Liberté elle-même entravée par des chaines organiques et inconscientes, qu’il figure au long de ce cauchemar visuel esthétique. Sensible au grotesque de la condition humaine, c’est par l’humour souvent poussé jusqu’à l’absurde, qu’il transcende le laid en l’habillant de son trait graphique et poisseux. Les mini-récits regorgent ici d’inventivité brute, à l’image du cerf tâcheur, du bonhomme de neige hallucinogène ou simplement du négatif de l’espace, simple découpe de blanc sur fond dessiné. Le génie de Desforges réside dans l’expression singulière de ses démons dans toute leur crasse et en même temps, qu’il instaure une innocence purement enfantine qui nettoie le décor. C’est dérangeant, orienté sado-maso, graphiquement perturbé, bref, à ne pas mettre entre toutes les mains. Et le public, une fois averti, peut apprécier la jouissance exprimée à travers ces situations scabreuses, mêlant créatures monobloc et parasites informes sur fond de misère provinciale désenchantée… Tout un programme !