L'histoire :
L’ermite habite dans une cabane perchée en haut d’un arbre, proche de la canopée d’une forêt luxuriante. De forme humanoïde, il est nu, maigre, par nature antipathique et indécis. A l’aide d’une ceinture, il maintient son crâne fendu en deux parties, qui se séparent lorsque nait en lui une dualité – ce qui arrive très souvent. Au quotidien, il travaille via écrans interposés pour une entreprise de pompes funèbres. Car en ce temps sans doute futuriste, la société humaine est majoritairement composée de vieillards immortels, qui peuvent choisir de mourir lorsque le poids de leur vie devient trop lourd. L’agence funéraire Belle mort propose ainsi différents contrats de « voyages » à différents tarifs : dériver dans le vide interstellaire, passer ses dernières heures dans une bulle au fond de l’océan, faire un dernier repas de champignons hallucinogènes dans la forêt tropicale avant d’être jeté du haut d’un ravin… Monsieur et Madame Albrecht ont choisi de mourir ensemble avec cette dernière option et ils vont donc avoir affaire à l’ermite. Ils signent leur contrat et selon leur souhait, ils sont aussitôt pris en charge par les équipes de la société funéraire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme le prouve cet Ermite, les éditions Atrabile continuent de publier de la BD à des années lumières des canons grand-public. Pour preuve, après La roche au tambour, ils publient pour la seconde fois l’allemand Marjipol, pour un récit qui prolonge sa veine décalée, mais originale, de par son intérêt culotté pour le sens de la vie. On ne lira pas Marjipol pour la beauté de son dessin : s’il utilise souvent les cadrages pleines-pages et un découpage insolite, son trait à la mine de plomb n’est pas des plus gracieux. Néanmoins, Marjpol effleure encore ici tout un tas de sujets métaphysiques ou humains passionnants et riches de sens : la dualité de l’homme, son vieillissement inéluctable, la possibilité de son immortalité, les insupportables attentes qu’on place en nos enfants… Et pourquoi pas, aussi, « l’âme » humaine, sujet on ne peut plus abstrait et impossible à cerner. Néanmoins, il le fait par des voies détournées, par le prisme d’un récit hors norme, hors du temps, hors de toutes balises contextuelles ou graphico-narratives. Par exemple, jamais l’apparence du personnage central de l’Ermite, qui ressemble à un extraterrestre improbable, n’est expliquée. Ce qui fait qu’on peine à saisir les intentions – elles se révèlent lentement – et à s’enthousiasmer pour tel ou tel propos ou pour la démonstration finale (y en-a-t-il une ?). Assurément déstabilisé après une cinquantaine de page (le bouquin en compte 216), le lecteur patient et amateur d’OVNI d’anticipation, qui osera continuer à tourner les pages de ce récit aux apparences hermétiques, y trouvera toutefois son compte.