L'histoire :
Kurt Koller retourne dans son village d’enfance pour écrire un article sur les conséquences de l’étalement urbain. A la gare, il fait la rencontre fortuite d’un ancien ami du groupe biblique de son village. L’occasion pour lui de se souvenir des années 80 et de son enfance passée dans ce petit bout de Suisse perdue au fin fond des campagnes. A l’époque, ado de 14 ans, il tombe fou amoureux de Patrizia. Incapable de lui avouer son amour, il décide de la suivre dans son groupe biblique. Car très pieuse, Patrizia consacre une partie de son temps à Dieu. Souffrant d’un manque de considération, en mal de repères et d’amour, fragile et influençable, Kurt décide alors de suivre la prédication du pasteur, jusqu’au jour où il décide effectivement de se convertir à la foi chrétienne. Séduit par le mielleux pasteur Obrit et ses discours rassurants qui lui offrent un nouvel horizon, un peu aveuglé aussi par son amour, Kurt va peu à peu s’éloigner de sa famille et se rapprocher de Patrizia. Mais un événement traumatisant va tout à coup bouleverser son existence…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans une BD qui sent le vécu, l’auteur Matthias Gnehm s’est attaqué à un sujet original : l’emprise de la religion sur le destin de jeunes individus. Il y est question de la conversion religieuse d’un ado de 14 ans amoureux et fragile, en quête de repères au cœur d’un village suisse très tranquille dans les années 80. L’auteur y explore le processus d’endoctrinement et suggère, avec subtilité et simplicité, le lent glissement vers les abus ou les dérives sectaires. Pour ressorts : méthodes douteuses, discours culpabilisants et prêches lénifiants débités par un pasteur maquignon. Avec pour ambition de créer un système qui puisse, mécaniquement, vous éloigner de vos proches. En ressort ce qui peut amener les individus à confier leur existence à une autorité supérieure, à s’aveugler par amour et par foi : la crédulité, fruit de l’absence de repères ou d’estime de soi, le manque de considération ou d'expérience. En toile de fond aussi, une réflexion géographique intéressante sur l’étalement urbain et le mitage (éparpillement de constructions dans la campagne), magnifiquement mise en images par un dessin crayonné sobre et précis, du plus bel effet. On a d’ailleurs l’impression que l’auteur a multiplié les voyages en hélico au-dessus de la campagne suisse pour réussir à proposer ces scènes contemplatives aussi expressives que désespérantes, montrant des villes qui avancent inexorablement et aliènent ceux qu’elles tentent d’absorber. Pour le coup, une mise en parallèle originale de la foi et de la géographie. Bref, un roman graphique fin, juste et poignant, évidemment conseillé.