L'histoire :
Fille unique d’une famille coréenne modeste, la jeune Yumi âgée de 18 ans décide en 2003 de ne pas faire d’études supérieures. Elle entre chez Samsung comme ouvrière qualifiée afin de gagner de l’argent. Elle est affectée à une usine spécialisée dans la confection de semi-conducteurs, un site industriel basé loin de chez elle. Lorsqu’elle rentre le week-end auprès de ses parents, Yumi n’est pas très loquace quant à sa nouvelle vie. Elle fait tout de même état de tensions auprès de sa hiérarchie et de cadences très élevées, cause d’extrême fatigue. Deux ans plus tard, de premières douleurs physiques aiguës apparaissent. Fin 2005, le diagnostic est connu : Yumi est atteinte de leucémie. D’abord déboussolé et abattu, son père se consacre corps et âme à son rétablissement. Mais la santé de sa fille continue de se dégrader. Le coût des soins et des hospitalisations devient insupportable et pourtant, Samsung se refuse à reconnaître une quelconque responsabilité dans la survenue de la maladie de Yumi. Débute alors un long combat contre la direction de l’entreprise, les médias, la sécurité sociale des travailleurs et autres organismes d’Etat, tous lourdement dépendants de l’argent du géant de l’électronique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Révoltant ! Le mot n’est pas assez fort pour décrire le sentiment qui vous étrangle après avoir refermé cet ouvrage. Si en tant que consommateur et citoyen, nous devons être conscients que tout n’est pas rose dans la confection des produits d’utilité courante qui nous sont proposés – et que chacun achète et utilise quotidiennement – on ne parvient pas à comprendre comment le cynisme de l’argent peut arriver à ce point à nier l’humain… Basé sur le témoignage d’un père dont la fille unique est décédée d’une leucémie contractée après être entrée comme ouvrière qualifiée chez Samsung – manipulant nombre de produits toxiques tenus secrets –, le récit N/B réalisé par Kim Su-Bak (Quitter la ville) est à la fois édifiant de cynisme et à la fois remarquable de dignité. D’un abord austère, accompagné d’un titre énigmatique, l’album de près de 120 pages revient méthodiquement sur la chronologie des événements, croise et recroise les différents témoignages recueillis, explique et réexplique les sombres ramifications d’un drame presque silencieux – véritable cancer – qui ronge le pays du matin calme et, par voie de conséquence, le monde sur lequel le géant économique coréen a déployé ses tentacules. Le parfum des hommes, c’est par opposition l’absence d’humanité dont semblent dénués certains de nos dirigeants – et ceux qui les suivent et exécutent en conscience leurs directives. Si on ne peut conseiller l’ouvrage pour son seul attrait graphique âpre, sommaire et froid, sa lecture paraît néanmoins indispensable, relevant du salut public en somme. Au moins est-on soulagé d’apprendre en conclusion que la maladie de Yumi a finalement été reconnue comme maladie professionnelle. Mais le combat continue, pour tous les anonymes décédés dans l’ombre et leurs familles qui réclament encore le droit à la justice ! Citoyen(ne)s, ce livre est pour vous !