L'histoire :
Un gars sort de chez lui et se rend dans un bar. Ailleurs dans la même ville, une femme rejoint le même bar. Assis à deux tables séparées, l'homme nourrit des pensées secrètes. Il s'imagine déjà la fille en train de succomber à son charme. Il va donc lui parler, lui demande s'il peut s'installer avec elle, mais celle-ci lui rétorque qu'elle attend une amie. Ni une ni deux, le gars rêve déjà d'un plan à trois. Sauf que deux minutes plus tard, le dragueur invétéré est éconduit par la jeune femme lorsque arrive, semble-t-il, son petit ami. Pas grave, une chope de bière le consolera. A l'autre table, ils sont désormais trois : le couple et l'amie qui les a finalement rejoints... Avant que le dragueur et l'amie du couple ne finissent par se retrouver et sympathiser devant... les toilettes, au détour du son d'une chasse d'eau...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une certitude : la couverture tout de rose vêtue ne passera guère inaperçue sur les étals. Outre la couleur flashy version Stade Français, le grand format risque aussi d'attirer l’œil. Quant au titre, insolite, drôle, inattendu, mystérieux, il est à l'image de ces histoires de drague loupée ou réussie, vite transformées en coucheries débridées, du moins en pensées, et bitures entre potes. Lentement aplati par la consternation, au-delà d'histoires drôles et légères dans le fond, brille surtout par son expérimentation formelle et ses astuces graphiques. Ibn Al Rabin déroule en 24 pages une série d'histoires muettes qui ont pour décors des bars, peuplés de personnages obsédés par le sexe, où les dialogues sont représentés via des phylactères démultipliés à l'envi et colorés par petites touches, dépositaires des désirs, pensées, engueulades ou malaises des acteurs qui se suivent, se chassent, se croisent ou s'évitent. Le déversement et le tourbillon de pensées confuses devenant même hilarant parfois (p.6). Peu détaillés, les visages restent pourtant très expressifs et en disent long sur la situation. Du coup, les pictogrammes utilisés (une chope de bière, des toilettes...) ouvrent à toutes les interprétations possibles, laissant ainsi le champ libre à différents niveaux de lecture. Ensuite, c'est au lecteur (attentif et concentré) de créer son histoire et de s'y projeter, même, s'il faut bien l'avouer, certaines cases demeurent assez obscures. Boire ou coucher ? Il faut choisir. L'histoire se terminera en eau de boudin, par un rejet gastrique peu séduisant ou par de furieuses parties sexuelles, à deux ou à plusieurs. Avec un peu de chance, vous pourrez tomber sur une nympho. Ou, au contraire, une sainte-n'y-touche. Mais, une chose est sûre, les insultes risquent de fuser... Bref, si les saynètes restent légères à la lumière de la brillante mise en scène, drôle, intelligente et inventive, Lentement aplati par la consternation vaut néanmoins largement le détour, surtout si vous êtes amateur d'expérimentation et d'exercices oubapiens. Sans surprise, Ibn Al Rabin offre une fois encore une BD originale et stimulante.