L'histoire :
Eddi est sur le point de conduire son frère Tommaso au lycée, lorsque le proprio de leur appart sonne à l’interphone. Ils ont en effet de nombreux mois de loyers de retard. Les deux frères tentent de s’enfuir par la fenêtre de derrière. Le proprio les aperçoit et tente de les arrêter… en vain. La décapotable d’Eddi file déjà vers le lycée. On a beau être en décembre, il fait chaud. Les ouvriers qui accrochent la déco de Noël dans la rue sont en short. Eddi pique 5 euros à son frère – le prix de son sandwich du midi – pour remettre un peu d’essence dans son bolide. Ils arrivent au lycée après l’heure du début des cours. Mais Tommaso s’en fout : il part taper la discute et fumer des clopes sous une passerelle avec deux copines lesbiennes. Eddi, lui, tente d’aller fourguer un gros stock de DVD pornos à un sex shop, à n’importe quel prix. La tenancière ne parvient pas à lui faire comprendre que ses DVD ne valent rien, que le porno se trouve désormais gratuitement sur le web. Alors Eddi rentre dans le bar chinois qui se trouve juste à côté, afin de se saouler avec du mauvais alcool de riz. Evidemment, il ne compte pas payer. Nico, lui, est cariste dans un entrepôt, mais franchement pas du genre carriériste. Il fait le boulot quand sa chef le menace de rétrogradation. Il s’en cogne tellement, qu’il est à l’origine d’un gros accident de palette, alors qu’il gerbe un gros carton tout en haut d’un rayonnage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Désœuvrés, petites frappes, fumistes, profiteurs, obsédés, camés et autres escrocs se sont donnés rendez-vous dans cette Lune du matin, une chronique sociale de plus de 260 pages, en noir et blanc (plus un niveau de gris), signée de l’italien Francesco Cattani. A la façon d’un récit chorale, nous suivons au départ plusieurs protagonistes sur un laps de temps de 24h (environ), dans leurs quotidiens sans ambition et sans avenir, comme aspirés par une spirale nocive, au sein d’une ville contemporaine. L’un tente (en vain) de vendre des DVD pornos ; l’autre fonce tête baissé dans tous les vices possibles qui se présentent à lui ; un troisième glande au boulot ; et tous vont converger vers une soirée qui sera un climax de débauche fatale et qui résout tragiquement l’équation alcool, drogue, putes, violence et escroquerie. Même la météo, complètement dérégulée, part en sucette. Le monde ne tourne plus rond, ma pauv’dame. Ça pourrait être un constat de tristesse infinie sur la dérive de nos sociétés, l’échec absolu de l’éducation, la victoire sans appel des mentalités délétères, si Cattani ne mettait pas en scène ces moments avec humour, inventivité et la porte toujours ouverte vers un lendemain. Tantôt, c’est un narratif en aparté quant au devenir judiciaire d’un prof ; tantôt c’est l’apparition d’un être fantomatique et symbolique géant ; ou une course super drôle de spermatozoïdes anthropomorphisés, lorsqu’ils sont alertés par un émoi. On ne vous révèle pas la fin, mais une forme d’espoir persiste à la fois dans la conclusion et dans la manière d’appréhender toutes ces faillites sociales : avec légèreté mais opiniâtreté. L’instinct de survie prédomine. Ouf !