L'histoire :
Alors qu'un jeune couple discute tranquillement de la soirée à venir et de leurs petits problèmes sur une falaise, débarque une affreuse créature munie d'un trident. Moche et répugnante, couverte de boue, elle se situe entre un Bibendum fatigué et un diable-nain maléfique, pourfendeur du capitalisme. Début du cauchemar, car l'homme-boue menace de les embrocher sur le champ. Il veut d'abord savoir s'ils ont du fric, mais ne veut pas de leur argent. Il veut juste aller à leur fête de riche. Vaguement anti-bourgeois, très bizarre, le monstre, sorte de métaphore de l'enfer, effraie le jeune couple qui ne comprend rien à ce qui est en train de se tramer. Une certitude : ils flippent et vont obéir aux injonctions de ce monstre. C'est le début d'une virée en enfer, qui les mènera vers l'horreur absolue, face à des créatures irréelles exhumées des limbes des océans... Et si ce couple n'était que l'objet d'une machination infernale qui les dépassait ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Curieux objet que Trame, le poids d'une tête coupée par l'auteur italien Ratigher. Premier livre et premier coup de maître, en fait, d'une étonnante maîtrise. La BD se présente d'abord comme un thriller classique réaliste, puis mue lentement vers le récit d'horreur philosophique porté par une réalité fantasmée : la séquence d'intro rapide, légère, donne le ton et prophétise le drame à venir, entre inquiétante étrangeté et sentiment d'angoisse absolue. Et pour cause, on ne comprend pas bien qui est cette créature sortie de nulle part, ni ce qu'elle veut, ni pourquoi. On sait juste que le couple, jeune et insouciant, doit se rendre à une « fête de riches » transformée pour l'occasion en virée nocturne d'enfer, en forme de road-trip cauchemardesque. Pour décor, un bout du monde isolé, sauvage et déserté, sorte de piège fatal sur le point de se fermer. Mais Ratigher ne se contente pas de maîtriser les ficelles du film d'horreur. Il y ajoute, pour maintenir et nourrir la tension, un procédé intéressant, comme dans la série Lost : l'insertion de flash-forward en noir et blanc, nourris de phylactères incomplets et mystérieux qui laissent deviner le proche dénouement. Angoisse maximale garantie ! Enfin, en marge du suspense sur l'issue de ce couple, l'auteur déroule une petite réflexion politico-financière sur l'origine du mal. Quant au final hors-champ, explosif, il renverse toutes les idées conçues pendant la lecture. Bref, frissons en perspective, pour un album ultra-maîtrisé, où l'auteur joue avec des techniques complètement digérées. Une belle surprise par l'éditeur suisse Atrabile, bien tramée, autant en matière de graphisme que de narration, dans une veine comics rentre-dedans tour à tour sordide et flippante. Un récit de genre hybride, revisité avec malice. Diablement bon !