L'histoire :
Christophe, un clochard, a trouvé une place de choix pour faire la manche : sur le même troittoir, quelques mètres avant lui, se trouve ses couronnes de fleurs et une inscription au mur : « Ici et mort Robert le froid et la misère l’on tuer ». L’apitoiement des passants serait évidemment moindre s’ils savaient qu’il s’agit d’une mise en scène de son invention…
Deux clochards cherchent un coin peinard pour passer la nuit, c'est-à-dire abrité de la pluie et du froid, isolé des passants, mais pas trop non plus, car on ne sait jamais sur quoi on peut tomber, la nuit venue. Ils trouvent ainsi un dessous de pont en tous points idéal… mais déjà pris : une forme humaine est étendue sous des cartons et des couvertures. Ils repartent donc, ignorant qu’il s’agit d’un bidon et de vieux vêtements : c’est une ruse du vieil Abdou pour garder son coin tranquille.
Abdou fait la manche sur une rue piétonne par un jour de forte affluence. Un quidam lui exprime alors son mépris en avouant qu’il ne donne qu’aux mendiants qui font l’effort de proposer une prestation, comme l’homme statue qui reste immobile ou le violoniste qui joue avec des gants de boxe. Plutôt philosphe, Abdou lui propose donc de faire l’homme invisible : il s’agenouille au milieu de la rue et effectivement, tous les passants font mine de ne pas le voir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la lignée citoyenne et sociale de la collection Ciboulot des éditions Bac@BD, La France de tout en bas creuse la veine de l’« humour job » à ceux qui, justement, n’en ont pas (de job). Attention : ici, ne craignez nullement qu’on se moque des SDF, c’est même tout le contraire. L’intention narrative est louable et le positionnement humain. Le propos vise plutôt à singer de notre bonne société qui les méprise et les oublie, en se plaçant du point de vue d’une poignée de personnages récurrents (le vieux blasé et philosophe, le petit nouveau, les amoureux…). De fait, les historiettes en une planche ne sont pas précisément des gags concotés pour « faire rire », mais prioritairement des situations amenées à faire réfléchir. Quelques unes sont même purement moralisatrices (et donc agaçantes…), tandis que de rares autres rament à être explicites. Ils sont 4 scénaristes du studio de création Makma (collaboratif et spécialisée dans l’image et la bande dessinée) à s’être intéressés à cette France délaissés de tous. Au dessin, Rubine montre certes des prédispositions pour la BD… mais disons que la marge de progrès est encore grande. La lisiblité des traits, les perspectives et l’équilibre des cases sont loin d’être optimum. Cela dit, les sujets sont variés et font un tour relativement exhaustif des contingences de la clochardisation. Certaines séquences transmettent surtout l’idée que cela peut arriver à n’importe qui. Sur ce point, la BD atteint son objectif. Reste qu’il faut tout de même avoir la fibre sociale exacerbée pour s’enjouer pleinement de ce type d’ouvrage ! Quel genre de bédéphile a donc envie de partager la vie des SDF duant 46 planches ? Et c’est bien là tout le nœud de ce problème de société…