L'histoire :
Lors de la visite d’un musée, une guide s’arrête devant une célèbre représentation picturale d’Aphrodite. Selon la mythologie grecque, cette déesse de l’amour, pourvue de formes pulpeuses, de longs cheveux blonds, est née de l’écume, portée par un coquillage et entourée d’oiseaux et de chérubins. La guide conclue en reconnaissant qu’elle aurait bien du mal à s’adapter à notre monde moderne. Chiche ? Tentons le coup : paf, Aphrodite, une bombasse à gros nichons, déboule d’une bouche d’égout sur un littoral pollué contemporain. Re-paf, elle se prend Cupidon sur le crane, transformé en toucan sous sa forme terrestre. Elle est dég’ : elle était si bien là-haut, sur l’Olympe, auprès de son papa Zeus. Elle enfile une jupette rose, une tenue un chouya plus décente que sa nudité originelle, et n’a aucun mal à se faire prendre en stop : elle est tout de même l’incarnation du désir sexuel. Or, au même moment, 3 jeunes femmes cohabitant au sein d’un même appart, cherchent une quatrième colocataire. Une petite annonce plus tard et Aphrodite sonne à la porte pour le casting. Nora, noire et grassouillette, n’est pas ravie-ravie de cette concurrente déloyale (surtout au niveau du balconnet). Kimberley (grande maigre et plate) et Sophie (qui a une bouche d’artichaut et un gros nez), sont quant à elle plus tolérantes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le registre de l’humour érotique est un créneau on ne peut plus délicat : il serait en effet aisé de survoler la question à l’aide de chutes trop consensuelles, ou à l’inverse de sombrer dans le vulgaire. Ici, chapeau : pour son premier album, David Raphet trouve le juste milieu, se payant le luxe d’être tour à tour frais, drôle, fripon et de temps en temps politiquement incorrect. La problématique de départ est rapidement posée : prenons pour sujet central Aphrodite. La déesse de l’amour incarnée sur Terre est donc, par définition, techniquement calibrée pour affoler systématiquement la gente masculine. Or, sa blondeur la rend nécessairement cruche, son origine antique permet de jouer avec sa candeur face au monde moderne, et enfin son ouverture d’esprit pour les plaisirs charnels, sous toutes leurs formes, est inhérente à son existence ! C’est très habile : la conjonction de ces 3 paramètres permet une quantité inouïe de situations comiques d’obédience érotique. Cela prend la forme d’un gaufrier régulier de 4 strips de 3 cases par planche, elle-même à chaque fois porteuse d’un thème donné (la piscine, le sex-shop, le speed-dating, la soirée…). Quatre personnages faire-valoir servent de révélateurs : un toucan dévergondé (Cupidon !) et un trio de copines bien de notre monde. De caractères et silhouettes antinomiques, ces dernières se livrent alors à une émulation de colocation qui s’apparente un peu à Friends. Certes, il y a bien quelques répliques plus molles ou a contrario jouissivement crues, mais c’est loin d’être la règle ; en outre, le ménagement du froid et du chaud participe pleinement à la réussite de l’humour. L’érotisme est ici essentiellement suggéré : tout juste voit-on de temps en temps la poitrine généreuse d’Aphrodite. Dans le même esprit, le dessin est tout simple, mais soigné et régulier, la plupart du temps débarrassé de décors pour se concentrer sur les personnages, et doucement relevé par une colorisation pastel. Une bonne surprise !