L'histoire :
Jack Gilet pénètre dans une grange sombre au milieu de la nuit. Dans cette grange, il découvre une femelle éléphant fers aux pattes. Il ne voit qu’une seule issue : la pendaison. Oui, comme son père, le fluet et discret Jack Gilet est bourreau. Mais contrairement à son défunt paternel, Gilet s’est spécialisé dans l’exécution d’animaux. En effet, les procès d’animaux ayant commis un crime n’étaient pas si courants, mais suffisants pour remplir l’agenda d’un exécuteur mandaté par l’État. L’issue des procès d’animaux étant rarement l’acquittement, Gilet s’en va pendre le plus souvent qui des ânes, qui des chiens, voire des truies habillées en robe. Mais lorsqu’il exécute une chèvre tueuse, il ne sait pas qu’il va provoquer l’ire de sa propriétaire qui va le pourchasser afin de lui coller une balle dans la tête. Commence alors un road trip funeste placé sous le signe des exécutions en cascade...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Âmes sensibles s’abstenir : À la poursuite de Jack Gilet est un ouvrage à l’image du dessin de David Ratte : délicat, fin et réaliste. À tel point que quand notre héros fait son office de bourreau auprès d’un âne apeuré ou d’une truie vêtue d’une robe (véridique), un frisson d’effroi nous parcourt l’échine. À la poursuite de Jack Gilet est en effet un récit étrange avec un personnage principal placide, effacé, qui ne semble pas avoir d’empathie. Le lecteur est anachroniquement révolté par ce traitement subi par ces pauvres bêtes irresponsables et s’identifie naturellement à Winifred, la jeune propriétaire inconsolable, endeuillée par la mort de sa chèvre, qui cherche à se venger. Ce road trip vengeur tourne court, car très vite la jeune femme accompagne Gilet dans ses rendez-vous funestes, sans lui révéler ses intentions. Cela donne à David Ratte l’occasion de dessiner de magnifiques paysages dignes des films de western et ne se prive pas pour croquer des vraies tronches de malpropres à la Sergio Leone (auquel il fait un clin d’œil sur un quai de gare). Bien documenté, Ratte nous démontre l’absurdité de ces procédés cruels, heureusement abolis dans de nombreux pays, comme la pendaison difficile d’un taureau de plusieurs centaines de kilos, qui finit d’une balle dans la tête par un citoyen n’en pouvant plus de voir l’animal souffrir le martyre. Alors quand vient la future exécution de la femelle éléphant accusée d’avoir écrasé son tortionnaire de dresseur, tout un système de grue est pensé pour pendre le pachyderme. Dans la réalité, cette exécution a eu lieu, les images ont fait le tour de la presse mondiale. Pour Ratte, c’en était trop et il nous offre une alternative qui clôt en beauté cette jolie histoire. Comme le dit l’adage de Franquin dans Idées noires : La loi est formelle : toute personne qui en tuera volontairement une autre aura la tête tranchée.
