L'histoire :
Vers la fin des années 80, un militaire russe rentre dans son appartement sordide moscovite et annonce à sa femme Ekaterina qu'il va être muté à la frontière de l'Ouzbekistan. Sa femme enrage et le prévient : elle et leur fils Volodia ne le suivront pas. Volodia, alors âgé d'une dizaine d'année, pense alors plus à s'amuser avec leur nouveau petit chien Milyi. Quelques années plus tard, le fils a grandi et il effectue à son tour son service militaire, en Tchétchénie. La mère de famille vit seule et misérable avec Milyi, en vendant des DVD pirates dans le métro. Le père n'est plus qu'un déchet estropié et alcoolique. Ekaterina nourrit chaque seconde de sa vie avec l'espoir de revoir son fiston. Dans ce but, elle se rend chaque semaine à l'accueil de sa base militaire de rattachement pour avoir des nouvelles... en vain. Un soir, son mari est vautré devant sa porte. Elle le rembarre violemment. Il a tout de même l'occasion de lui glisser un message dans le collier de Milyi : un article avec le nom des militaires prisonniers des tchétchènes... dont Volodia ! Le choc. Dès le lendemain, elle contacte un reporter de guerre qui a travaillé sur le front. Ce dernier lui délivre un tuyau off : le chef tchétchène Bassaïev accepterait de libérer les soldats prisonniers si leurs mères viennent les chercher. Ni une ni deux, Ekaterina entreprend le voyage en bus, direction Grozny...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A ce qu'il paraît, les guerres menées par la Russie en Tchétchénie ont été des plus dégueulasses. Depuis notre confort occidental, on en a vu quelques images de villes en ruine... quelques rumeurs qui confinent aux légendes des ogres de notre enfance... et on n'ose imaginer comment ce peuple aux moeurs rudes a enduré et survécu au conflit, dans une zone des moins « exotiques » de la planète. Coiffé de sa casquette de scénariste, Aurélien Ducoudray propose une version non édulcorée de tous ces aspects sordides... mais en insufflant de grosses doses d'humanisme et d'humour (merci le petit chien Milyi) pour faire passer la pilule. Ici, une mère au foyer russe, désoeuvrée et n'ayant rien à perdre, rejoint l'antre de l'enfer, jusqu'au QG du chef Bassaïev, pour délivrer son fils soldat. Le portrait de cette mère-courage, sujet central et omniprésent de cette histoire, part d'un reportage authentique. Comme un parti-pris, Ducoudray ne s'encombre pas de détails de dates, de noms et de lieux : seule cette obstination maternelle, humaine et jonchée d'obstacles, l'intéresse. L'histoire se laisse d'autant mieux dévorer que le dessin semi-réaliste d'Anlor se montre formidable pour l'accompagner. La dessinatrice semble avoir encore franchi une étape dans son art. Expressif pour les personnages, dynamique dans son rendu, ses cadrages et ses enchainements, étayé par des décors travaillés qui confèrent de l'authenticité et impeccablement colorée par elle-même : la partition est exemplaire. On retient aussi le style graphique différent et intéressant en couverture... A dénouer dans une seconde partie de diptyque.