L'histoire :
Ekaterina Kitaev est désormais parmi les civils tchétchènes qui vivent dans Grozny en ruines. Elle a finalement rencontré Bassaiev, le leader des indépendantistes, dont elle pense encore qu'il peut lui rendre son fils Volodia. La légende a en effet couru que les tchétchènes acceptaient de rendre leurs prisonniers russes seulement si leurs propres mères venaient les chercher. Elle y a cru, et se trouve maintenant à squatter dans un immeuble à moitié détruit, en compagnie d'un prisonnier russe aveugle qui porte le même prénom que son fils. Une forme de vie quotidienne s'est installée, rythmée par les bombardements, les snipers qui s'installent sur les toits, et les livraisons d'aide humanitaire de l'ONU. Le chien d'Ekaterina continue d'égayer son quotidien avec ses acrobaties improbables, tandis que des enfants dans l'immeuble se disputent une console Nintendo pour jouer à Bomberman, pendant les quelques heures où l'électricité fonctionne. Toute à son espoir insensé, mais constant, de retrouver son fils, la maman russe va petit à petit créer des contacts qui vont l'amener à jouer un rôle à part au sein de la ville assiégée. Jusqu'à une rencontre qui va fortuitement tout faire basculer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La quête insensée de la petite dame russe se poursuit dans un volume de clôture atypique sous bien des aspects. C'est avant tout l'incroyable absurdité d'une situation de guerre qui est décrite dans Grozny en ruines, une vie quotidienne réduite à presque rien pour des compagnons de fortune tous vulnérables. Il ne s'agit pas de savoir qui défend le bon droit dans ce conflit que le scénariste ne cherche pas à expliquer. Aurélien Ducoudray dépeint certes les soldats russes ou leurs milices extrémistes comme des brutes épaisses et des soudards dans foi ni loi, mais il ne cherche pas à transformer en héros les snipers tchétchènes. La maman russe avec sa foi incroyable traverse les paysages en ruines sans se poser de questions, certaine de parvenir à son but. Cette femme déterminée, qui côtoie les drames les plus sombres, est bien incarnée par le trait semi-réaliste d'Anlor. La dessinatrice que l'on connaissait depuis Les Innocents coupables a insufflé ce qu'il faut de dureté dans la silhouette fragile pour la rendre crédible malgré les chars russes qui approchent. Les auteurs parviennent à créer une ambiance parfois légère, entre des scènes de bombardement spectaculaires. Des dialogues innocents et presque naïfs précèdent des déferlements de violence dont la dureté est remarquablement mise en scène, sans effet inutile. Une atmosphère originale qui donne son cachet à ce diptyque, qui finit par dévoiler ses secrets de manière assez habile.