L'histoire :
Arsène Lupin a décidé d’arrêter sa vie de gentleman cambrioleur, afin de vivre une retraite paisible en compagnie de son amoureuse, Raymonde. Aussi, alors qu’il se trouve encore au sein de son bunker situé dans l’aiguille creuse, au large d’Etretat, rédige-t-il une lettre testamentaire à destination de l’Etat français, par laquelle il offre tous ses trésors au musée du Louvres. La seule condition, c’est que les salles qui les exposeront portent son nom. Puis il prend place avec Raymonde et son valet Grognard à bord de son sous-marin, à quai dans une grotte lacustre. Il refait surface au large de l’aiguille creuse, qu’il contemple une dernière fois avant de rendre sa liberté à Grognard. Puis avec Raymonde, ils rejoignent en barque le rivage et grimpent en haut des falaises à l’aide d’une échelle métallique encastrée dans la paroi. Or une fois en haut, Sherlock Holmes les attend et tient la vielle Victoire (mère adoptive de Lupin) en otage, à l’aide d’un révolver. Holmes est enfin en train d’arrêter Lupin pour tous ses larcins. Mais la discussion tourne à l’altercation et au drame : tenant Lupin en joue, Holmes appuie sur la gâchette et… il tue Raymonde qui s’est jetée devant lui pour sauver son amour. Or Lupin ne tue jamais. Affligé par la perte de Raymonde, il laisse repartir Holmes. Quatre ans plus tard, Lupin a repris du service, en compagnie de Grognard. Un soir, il se grime en Fortuné Bonnard, cryptologue et mathématicien, dans l’un de ses repères, une maison du vieux Rouen. Car un mystérieux contact lui a donné rendez-vous pour « casser » un code chiffré…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La rencontre entre le gentleman cambrioleur aux aventures rocambolesques et le fin limier anglais de Baker Street n’est pas une première : Raymond Leblanc, auteur français d’Arsène Lupin les avait déjà fait se confronter (dans le 8ème numéro du journal Je sais tout, dans lequel feuilletonnait Lupin, en 1905). Mais la défiguration parodique sous le prisme de l’humour du célèbre détective anglais avait à l’époque offusqué son auteur, Sir Arthur Conan Doyle… Et Leblanc avait dû modifier son nom en « Herlock Sholmes » afin de pouvoir se l’approprier et continuer à le confronter à Arsène Lupin dans d’autres aventures. C’est le même choc qui se produit dans ce diptyque en BD scénarisé par Jérôme Félix. Félix connait très bien le catéchisme d’Arsène Lupin et il en respecte ici toute sa dimension rocambolesque. Il respecte aussi la dénaturation iconoclaste de Sherlock Holmes, qui se transforme en némésis tueuse, plus proche d’un Moriarty teigneux que du détective flegmatique systématiquement maître de la situation. Les fans de Holmes seront logiquement outrés. Les registres des deux hommes ne sont assurément pas faits pour coexister dans un même environnement. Félix fait ce qu’il veut avec ses ch’veux, étant donné que les droits des deux célèbres personnages sont depuis un bail tombés dans le domaine public. Cette aventure pousse alors le rocambolesque dans ses derniers retranchements : meurtres, disparitions, pièges, manigances, ésotérisme, personnages grimés méconnaissables… le tout sur fond d’alchimie et de pierres transformant le plomb en or… Les jolis décors semi-réalistes d’Alain Janolle et les tenues des personnages ont beau être soignées et cohérentes, on décroche vite de l’intrigue alambiquée qui ouvre des tiroirs dans les tiroirs sans jamais en refermer aucun. Le second tome à venir aura intérêt à se montrer sacrément plus explicite.