L'histoire :
Connu dans tout le pays pour accepter de faire les besognes les plus crades, le père Boitelle termine ce jour là de vider la fausse à purin du notaire. Tandis qu’il attend de recevoir sa piécette dans le hall de la demeure bourgeoise, il remarque alors un buste africain et s’y intéresse de près. D’humeur curieuse et reconnaissante, le notaire est titillé par cet étrange intérêt. Il invite l’homme de bonne volonté à partager un verre de calva et à lui raconter sa jeunesse. Car avant d’être un paysan bourru, Antoine Boitelle avait jadis été soldat dans la ville du Havre. Il était alors tombé en pamoison devant la serveuse d’un bar se tenant face aux quais, le Café des colonies. La jeune femme était une noire, d’une grande beauté. Elle était lettrée, vivait à l’occidentale et semblait elle aussi émue par le regard du jeune homme. Bref, une belle et pure idylle était en train de naître. Au point qu’Antoine désirait la marier. Pour autant, le jeune homme n’aurait jamais rien fait sans le consentement de ses parents. Il s’en alla donc parler de ses désirs d’union à ses vieux, des paysans qui ne savaient même pas qu’il put exister des gens de couleur noire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Didier Quellat-Guyot livre ici un one-shot historique et sentimental plein d’humanité et de tendresse pour les personnages, à l’image de l’œuvre de Maupassant dont est tirée cette adaptation (de la nouvelle Boitelle, publiée dans le recueil La main gauche, 1889). Ici, une bonne pâte de paysan relate à un notaire accueillant son idylle de jeunesse impossible avec une femme noire, dans un contexte social où l’on considérait encore les nègres comme des bêtes de zoo. Le fond du récit est simple, paisible et ne tire aucune morale ; il s’attache juste, avec nostalgie, à un destin tristement infléchi par le poids des mentalités. En revanche, il trouve au travers du dessin semi-réaliste de Sébastien Morice une juste transcription graphique, d’une grande douceur et d’une incroyable maîtrise pour une première œuvre de BD ! Car cet album est bien le tout premier réalisé par le dessinateur : il fut originellement publié chez Petit à Petit en 2010. Pour l'occasion de la réédition au sein du catalogue Grand Angle de Bamboo, Quellat-Guyot a légèrement remanié la narration (parfois des phylactères remplacent les encadrés narratifs) et il a rédigé une courte nouvelle en guise d'épilogue. En revanche, les planches de Morice n'ont pas chanté d'un iota. Le dessinateur a suivi des études aux beaux-arts, avant de se spécialiser dans l’image de synthèse pour l’architecture. Ce cursus exigeant se sent au travers de ses personnages attachants, de la composition équilibrée de ses cases, d’une restitution des blancs pointue… Un auteur à suivre de près !