L'histoire :
Une vaste portée de petits poissons jaunes vient d’éclore. Ils sortent par centaines de la brèche d’un chalutier échoué au fond de l’océan. Ils sont aussitôt pris en chasse par un énorme poisson affamé, avec trois yeux et plein de dents. Sa gueule est tellement large qu’il les gobe quasi tous d’un coup. Tous, sauf un. Le survivant nage aussi vite qu’il le peut et se réfugie à l’intérieur d’une maison appartenant à une cité humaine engloutie. Le petit poisson ne se sent pas sorti d’affaire pour autant et il s’extrait de la maison dès qu’il le peut, pour se planquer dans un seau qui se trouve là, entre deux eaux. Or à peine s’est-il caché dans ce seau, qu’une corde le remonte vers la surface. Ce seau appartient à un vieux barbu unijambiste qui habite une maisonnette tout en haut d’un pic rocheux. A l’aide d’une poulie, le vieux remonte le seau jusque chez lui. Il extrait le poisson et le plonge temporairement dans un aquarium. Il le nourrit et récupère aussi, dans le seau, un étrange boulon doré. Une fois analysé dans une machine spéciale, ce boulon est la pièce manquante d’un exosquelette scaphandrier. Le vieux revisse cette pièce dans le torse de son robot, puis il place le poisson dans un bocal spécial qu’il visse à l’envers à la place de la tête : voilà le poisson devenu la tête d’un robot humanoïde, capable de marcher et d’aller explorer le fond des océans…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette histoire 100% muette destinée à la jeunesse, le canadien Derek Laufman livre sans doute l’une des aventures en one-shot les plus abouties du catalogue des Aventuriers d’Ailleurs (jadis de l’Étrange). Laufman se revendique sans scrupule de l’influence de Miyazaki dans cette fable « d’anticipation ». Car même s’il ignore tout de l’anthropocène technologique humaine, notre petit héros poisson digne du Némo de Pixar (mais n’appartenant pas à la classe des poissons clowns) évolue dans une ère post-apocalyptique. Des cités sont englouties, des poissons moches ont trois yeux, des ruines jonchent le monde émergé, il y a des dépotoirs sous-marins, la technologie est avancée… Et c’est même ce qui permet au poisson de se muer en créature humanoïde – et cela est relativement inédit : son bocal retourné devient la tête d’un exosquelette robotique. Or notre poisson-robot pourvu de 4 membres semble bien pouvoir le piloter, afin de partir vivre une vie d’explorations. L’auteur ne s’embarrasse certes pas d’intention narrative : la liberté accordée au poisson par le vieil unijambiste est tout à fait gratuite. Mais elle lui ouvre la porte à moult rencontres et découvertes rocambolesques, au fond de l’eau et parmi les humains survivants. Le dessin très rond et coloré, plein de gentille malice et de dynamisme, s’inscrit dans des cadrages et des décors féeriques et s’adresse à un très large public…