L'histoire :
Nina est en vacances à la plage avec sa maman, Manon. Il fait beau, les enfants jouent sur le sable, mais Nina est en colère. Elle voudrait aller se baigner car le drapeau est vert… mais sa maman s’y refuse. C’est trop dangereux. Manon est toujours traumatisée par la mort de son mari, Elio, un marin disparu en mer. Dès qu’elle évoque ce sujet, Manon a des troubles de la vision. Notamment les lignes bleues de la marinière de Nina tanguent. Plus tard, alors que la mère et la fille se posent sur le sable au milieu des touristes, Manon semble apercevoir le voilier d’Elio au large. Elle se précipite vers la mer et se met à nager vers l’horizon, vide, sous les cris horrifiés de sa fille. Des sauveteurs se lancent à son secours. Mais Manon se retrouve esseulée, à bout de forces. Un navigateur solitaire lui tend la main, depuis son voilier. Et Manon tombe dans les vapes. Quand elle se réveille, le vieux marin qui l’a sauvée lui explique qu’il vient d’y avoir une tempête, qui les a éloignés du rivage… et que désormais, la mer d’huile et ses voiles déchirées les empêchent de revenir. Il dit s’appeler Léan, mais aussi qu’il erre sur cet océan depuis 135 ans...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une histoire de deuil impossible, celui d’une jeune femme pour son mari bien-aimé disparu en mer. Une femme qui va vivre une expérience ésotérique au large – en compagnie d’un marin de presque 180 ans qui se fait réparer ses voiles par les mouettes ( ! ) et d’une communauté de marins morts qui croient à un savoir supérieur à travers la lecture des lignes bleues des marinières. Hé oui, accrochez-vous. C’est surtout un scénario tricoté avec des bouts de ficelles par Tom Graffin, à partir de l’envie de promouvoir les pulls typiques rayés de blanc et bleu des marins, fabriqués de manière encore relativement artisanale par les ateliers Saint James (à côté du Mont Saint Michel), c’est à dire les marinières tant affectionnées par Jean-Paul Gaultier. Le cahier spécial qui conclut l’album donne la recette : pour une marinière, il faut 104 fleurs de coton, 4,4 km de fil, 5 jours de confection et 11 étapes de production. Voilà pour l’instant pub. Le récit en soi, qui rappelle la mécanique d’Epoxy (par Van Hamme et Cuvelier), est vraiment tiré (filé ?) par les cheveux (des moutons ou du coton ?). Les éléments que croisent Manon dans son expérience onirique sont plus ou moins artificiellement rattachés à la marinière : le vieux gardien de phare s’appelle James, les lignes des pulls dissimulent une écriture sacrée, les marins noyés ne meurent pas mais se retrouvent pour vivre en communauté sur une île mystérieuse… Bref, sans trop qu’on comprenne tout (pisque c’est ésotérique, qu’on vous dit !), tout est bien qui finit bien. Le deuil se fait et c’est vraiment chouette, toutes ces marinières. Sur cette partition narrative fébrile, la dessinatrice Nathalie Ferlut et le coloriste Thierry Leprévost livrent cependant un job artistique abouti, d’obédience réaliste et via une technique numérique.