L'histoire :
Ellis Island, 7 avril 1907. On s’apprête à battre le record journalier du nombre d’immigrés en provenance de la vieille Europe. 11474, très exactement, vont être transbordés par le service de contrôle de l’immigration sur l’île minuscule du port de New-York, point de passage obligé des plus déshérités. Les chefs mafieux locaux, qui sont foncièrement paranoïaques, exercent un contrôle absolu sur leur territoire : ils sont terrorisés par le nouvel arrivant, celui que personne ne connaît et qui débarque, ayant pu être recruté depuis l’Europe par d’autres rivaux. S’il pose un pied sur le continent, ils ne le découvriront que le jour où il se glissera derrière leur dos, un fil à couper le beurre tendu entre les mains. C’est pour cette raison qu’il arrive de temps à autre que des hommes de main viennent faire un peu de ménage par précaution sur Ellis Island. En cas de meurtre, pour éviter des démarches administratives trop lourdes auprès de la justice, les services de l’immigration concluent la plupart du temps au suicide.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tonio et Giuseppe sont deux italiens d’origines très modestes qui débarquent à Ellis Island. Tonio a un léger handicap physique, il boite. Les habitants de son village natal ont collecté suffisamment d’argent pour qu’il puisse se payer un billet pour l’Amérique et y faire fortune. Giuseppe, quant à lui, vient rejoindre un oncle qui lui a promis un emploi. Ces 2 italiens vont voir leurs rêves s’envoler quand les services de l’immigration mettent leur véto pour qu’ils puissent poser le pied sur le nouveau monde. Un mafieux témoin de la scène va proposer son soutien à Tonio contre de menus services… Le premier volume de cette histoire est introductif et plante le décor sur les conditions d’accueil des migrants qui aspirent à rejoindre le nouvel eldorado que représente l’Amérique. Les plus modestes sont traités comme du bétail, rongés par le doute, la peur des évaluations zélées et arbitraires du service de l’immigration, les conduisant parfois à reprendre directement un billet retour pour l’Europe. L’ambiance est étouffante, oppressante. Le récit est truffé de flashbacks qui permettent de comprendre que Tonio est en réalité l’instrument d’une machination machiavélique d’un parrain sicilien. Ce premier opus est très prometteur : dès le début de l’histoire, le rythme est soutenu et ne cesse de monter crescendo. L’intrigue est bien amenée, étoffée. Le cliffhanger annonce une suite encore plus violente et sombre qui va laisser le lecteur dans une attente insupportable. Graphiquement, Miras réussit un pari difficile avec sa maîtrise du dessin semi réaliste et une colorisation lumineuse qui rendent éblouissant voir élégant cet entre-deux-mondes qu’est Ellis Island.