L'histoire :
En 1902, deux étudiants se font leurs adieux dans leur piaule parisienne sous combles. Blaise vient de décrocher un poste de professeur de lettres à Aix en Provence, et il abandonne son vieil ami Barricant à son destin dans… la quincaillerie ! En outre, Blaise a une ambition folle : il a déniché dans un couvent d’Egypte un manuscrit antique qui se révèle être un palimpseste (une œuvre qui en recouvre une autre). A l’aide de quelque procédé chimique, il parvient à restituer peu à peu ce qu’il pense être un dialogue ancien et mythique de Platon, le Phaeton ! Et il compte bien l’étudier et gagner ainsi sa petite notoriété dans le monde culturel. Un quart de siècle plus tard, Barricant rend visite à Blaise à Aix. Il est accueilli par le doyen de la faculté, dans tous ses états. En effet, après des années de recherches dédiées au Phaeton et une prometteuse candidature à la Sorbonne, Monsieur Blaise vient d’être entièrement discrédité par ses pairs. Une bête erreur de traduction, à la base, l’a mené à poursuivre une théorie qui s’avère bidon et qui s’écroule comme un jeu de carte. Son Phaeton de Platon n’est en fait qu’un vulgaire écrit d’un obscur grammairien. Adieu la chaire à la Sorbonne. Adieu la gloire. Le Doyen (jaloux ?) ne dissimule pas son excitation à l’idée de propager le ridicule de son confrère. Et il revient à Barricant d’annoncer la chose à son vieil ami…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jazz n’est pas l’œuvre la plus connue ni la plus emblématique de l’œuvre de Marcel Pagnol. Et pour le coup, le titre dissimule bien son propos. Car le seul rapport qu’on peut trouver entre cette pure tragédie shakespearienne et le mouvement musical susnommé, vient du « désordre » narratif avec lequel l’histoire avance, pour aboutir à un ensemble finalement plus ou moins sensé. Fidèlement à la pièce de Pagnol, les adaptateurs Serge Scotto et Eric Stoffel mettent en scène des protagonistes dans les années 20, en marge d’une université du côté d’Aix-en-Provence. Au cœur de la problématique, l’un d’eux est un universitaire déçu et aigri, qui prend soudain conscience qu’il a raté sa vie en raison d’une minime erreur originelle de traduction, qui fait s’écrouler 25 ans de recherches au sujet d’un mythique écrit de Platon. Se jouent alors un flot de palabres autour de cette aigreur, des jalousies que son ambition démesurée a pu susciter, avec parfois l’incursion ésotérique d’un lui-même plus jeune, spectateur, commentateur et juge d’un destin pathétique. L’un des « actes » s’intéresse aussi à la relation intime que le quinquagénaire essaie de nouer avec une étudiante… Soit un sujet dans le sujet qui prend une dimension totalement imprévue, au regard de l’actuelle vague #metoo II dans le cinéma français (les révélations et plaintes pour violences sexuelles sur mineure de Judith Godrèche). A.Dan ne ménage pas sa peine et son talent pour varier les angles, les décors, les points de vue afin de donner du rythme… Mais le sentiment décousu prédomine néanmoins, en symbiose parfaite avec le titre de l’œuvre.