L'histoire :
Il était une fois, un riche commerçant qui avait trois filles, tellement belles qu’elles étaient incessamment courtisées par de fringants jeunes hommes. Mais un beau jour, un créancier vient toquer à la porte du vieil homme. Ce dernier croule sous tant de dettes qu’il est obligé de quitter son hôtel particulier en ville pour installer ses filles dans une chiche masure en campagne. Durant une année entière, la famille vit ainsi des produits de la ferme et du travail de la plus jolie des trois, Belle. Puis de nouveau, un messager se présente avec une missive : une créance vient d’être remboursée au père. Persuadé d’être de nouveau fortuné, ce dernier retourne donc en ville pour un rendez-vous avec le banquier. Avant son départ, deux de ses filles lui réclament d’ailleurs des robes… Belle, plus raisonnable, demande juste une rose. Hélas, il devait y avoir une incompréhension : à la banque, le père apprend qu’il doit toujours beaucoup d’argent. Il est même contraint de repartir à pieds, sans sa charrette et son cheval, réquisitionnés. Chemin faisant à travers les rigueurs de l’hiver, le vieil homme trouve refuge dans un somptueux palais… désertique ! Une table est dressée avec des mets gargantuesques, qu’il s’empresse d’avaler. Une bonne nuit dans un lit douillet plus tard et il s’apprête à repartir par une météo clémente. En traversant le jardin, il aperçoit alors de magnifiques rosiers et repense à ce que lui a demandé Belle. Il en coupe donc une… Hélas, c’est le moment que choisit le propriétaire des lieux, un seigneur massif et immonde, pour surgir ! La bête lui reproche son ingratitude et le menace de décapitation ! Le commerçant le supplie de l’épargner : il a trois filles à sa charge. Le monstre réfléchit et propose un échange standard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la deuxième fois en ce début d’année 2014, les éditions Bamboo publient un La Belle et la Bête. Après la version plutôt pour adultes de L’hermenier et Looky (pour rebondir sur la sortie des films ?), voici une version plus enfantine, destinée à un public de pré-lecteurs, par Dawid. L’ambiance est même plus tendre que dans le dessin animé de Walt Disney (qui fait un peu peur, quand même, chez les moins de 6 ans). En revanche, il n’est pas certain que les enfants pigent, à partir d’une simple lecture visuelle, les contraintes financières et l’ingratitude morale qui amènent le père à être séquestré par la Bête, des ressorts certes particulièrement complexes à mettre en scène. Pour épauler cette narration sans le moindre texte (c’est le principe de la collection Pouss de Bamboo), les parents raconteurs d’histoires pourront eux-mêmes s’aider du conte rédigé à part en fin d’album par Hélène Beney. Ainsi, ils n’oublieront pas la morale centrale de ce conte aux origines antédiluviennes : la beauté intérieure, la bonté de l’âme, priment sur l’aspect extérieur, tout repoussant soit-il. Sans oublier l’abnégation et le sacrifice de soi, certes ici intimement liés aux mécanismes de dotes et d’épousailles du temps jadis : Belle accepte sans rechigner de devenir la conjointe d’un riche laideron, afin que son père retrouve son opulence. Et puis encore : ce n’est pas parce qu’on est un canon de beauté qu’on a le droit de ne pas en fiche une ramée dans les tâches domestiques. Signalons tout de même l’excellente première partition de Dawid au dessin, lui qui n’était, jusqu’alors, que coloriste pour Mickaël Roux. Elégante, limpide, bienveillante et stylisée, sa griffe artistique se complète (évidemment) d’une colorisation experte…