L'histoire :
Présentateur télé sans envergure, Abel Appleton se réveille un jour dans un étrange caisson médical, branché à tout un tas d’appareils et de perfusions. Un médecin lui apprend qu’il a été gravement agressé par un chien il y a trois jours, que de multiples greffes ont été nécessaires, mais qu’il va s’en sortir. Il se retrouve effectivement avec une greffe du cou et du menton, jusqu’à la bouche, et un nouveau avant-bras gauche. Le tout a été prélevé à un même donneur, Henry Hawkins, complètement fada des tatouages : les tissus greffés en sont saturés ! Notamment, le symbole d’un singe au dessus du poignet intrigue Abel, et pas que lui… Défiguré et déprimé durant sa convalescence, comme zombifié, Abel montre dès lors un caractère abominable et pousse sa femme et ses fils à quitter la maison. Quelques jours, semaines et mois avant le soi-disant accident, Hawkins était fonctionnaire de l’US Army, chargé d’archiver des caisses de documents en provenance de Cuba. C’est d’ailleurs à l’intérieur de cette fourmillante documentation qu’il trouve ses idées de tatouages. Mystérieusement, les symboles représentés intéressent au plus haut point la jeune gérante d’un steamer casino, Ozalee, indienne d’origine de la tribu Choctaw…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un thriller en diptyque moyennement convaincant (Melissa), Alexis Laumaillé nous revient cette fois-ci dans la collection grand angle de Bamboo, avec un récit autrement plus abouti, notamment sur l’aspect narratif. Graphiquement, on sent également chez l’auteur un véritable talent pour les cadrages, le rythme, les profondeurs de champs et les perspectives… aux dépends d’une finition de trait parfois délaissée. Mais l’atout majeur de ce premier volet demeure le système narratif, original et cohérent. En effet, nous suivons deux trames distinctes et alternées, chacune morcelées en plusieurs séquences, qui convergent toutes deux vers un point zéro. Ce moment clé, dont on entrevoit une image stroboscopique au terme de chaque séquence, comme un morceau de puzzle, contient l’explication du mystère. Sur ce principe, nous assistons d’une part, dans un ordre chronologique au présent, à la convalescence d’Abel Appleton, suite à un mystérieux accident qui nous est présenté comme une agression par un chien. Son cas de double greffe, à partir d’un corps tatoué, est déjà peu banal et le plonge dans un état second, un besoin de reconquête de lui-même et d’explication à ce qui lui est arrivé. Ses tatouages lui semblent contenir l’explication de son mystérieux accident… Le second fil narratif est totalement opposé, c'est-à-dire passé et ante-chronologique. Il s’intéresse aux évènements qui ont conduit le donneur d’organes à la mort, au cours d’un (même ?) accident simultané. Quel sens mystique ont ces symboles tatoués pour la Choctaw Ozalee ? Qu’a donc impliqué ce « transfert » organique ? Quelle elle est la logique finale de tous ces éléments ? Voilà une mise en bouche parfaitement intrigante, qui mettra 3 tomes à nous délivrer une explication inimaginable et ambitieuse : elle pourrait bouleverser à jamais l’histoire des USA…