L'histoire :
Elias Baumer travaille dans une compagnie d'assurances. C'est un employé sérieux et rigoureux, dont les manies n’inquiètent plus ni ses collègues, ni son chef. Il a pour habitude de constituer de petites maquettes des scènes qui reconstituent les sinistres sur lesquels il exerce son expertise. Silhouettes de véhicules, façades de maisons et éléments de paysage l'aident à poser sa réflexion avant de donner le verdict de sa compagnie. Lorsqu'il débarque dans le village d'Yvette-sur-Loing et prend une chambre à l'hôtel, il désobéit d'une certaine manière à son patron qui voudrait le voir travailler sur l'accident d'un autocar qui a fait plusieurs morts, un drame aux enjeux bien entendu considérables. Mais Elias préfère poursuivre le dossier des accidents innombrables qui ont eu lieu au carrefour de l'Etoile Rouge. Il va ainsi à la rencontre de tous les habitants, à commencer par le petit Paul qui l'emmène sur le porte-bagages de son vélo, alors qu'il est est tombé en panne d'essence quelques kilomètres avant d'arriver. Il découvre petit à petit qu'aucun ne semble réellement souhaiter voir cesser les accidents qui provoquent souvent des froissements de tôle et parfois davantage, mais qui donnent pas mal d'occupation, notamment aux deux garagistes qui effectuent les réparations. Chaque témoignage individuel le rapproche par ailleurs d'un passé qui l'obsède. Le soir où, treize ans plus tôt, deux jeunes femmes furent tuées par un conducteur ivre qui avait perdu le contrôle de sa voiture.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette enquête se déroule dans un village français au printemps 1968, alors que le pays entier connait une pénurie d'essence et qu'une révolution en marche parait flotter au dessus des événements, au rythme de son personnage principal. Elias Baumer porte sur ses épaules le poids d'un passé qui semble avoir marqué son existence à plus d'un titre, sans que l'on comprenne immédiatement pourquoi, et sans qu'il se départisse d'un calme impressionnant. Les relations étranges avec sa fille, et cette obsession pour le carrefour du village, tiennent le lecteur en haleine, alors que l'expert en assurance ne fait que se promener et rencontrer des gens. Grégory Charlet livre pour cet album un très joli travail aux couleurs fondues, qui créent une atmosphère très dense lorsque les personnages marchent sous le soleil avec les paysages de verdure en arrière-plan. Le dessinateur touche parfois la fragilité de l'américain Jeff Jones, dans les très beaux jeux d'ombre de la page 23. Et ses Peugeot d'époque sont superbement stylées, sans hyperréalisme et avec une patte très sensible. La série de flashbacks orchestrés par Arnaud Floc'h révèle petit à petit les dessous du mystère d'une vie d'adulte, même si la mécanique mise en place par le scénariste en dit beaucoup dès le début. Les deux auteurs construisent en tout cas un one-shot attachant, dont l'atmosphère très réussie invite immédiatement à la relecture. Ce qui, par les temps qui courent, chers lecteurs, est un signe d'originalité.
