L'histoire :
1980, après une campagne au style très personnel, Ronald Reagan, ancien acteur et gouverneur de Californie, remporte haut la main la présidentielle contre Jimmy Carter. Sans culture charpentée ni connaissances économiques, juridiques ou sociales, il mise sur son instinct, son bon sens et grâce à ses blagues et son sens inné de ce qui plaît au public. Et ça marche : économiquement, cela passera par des baisses d’impôts et la réduction des normes (simplification, dérégulation) via la théorie de l’offre. Politiquement, l’industrie militaire sera soutenue pour une nouvelle grandeur de l’Amérique. Face aux dirigeants des autres pays, il ne fait pas le poids intellectuellement, mais ses intuitions visent juste et déstabilisent ses interlocuteurs (et ses conseillers !). Ceci dit, on ne peut qu’écouter le président de la première puissance mondiale… C’est ainsi qu’une idée – au départ folle – fera son chemin : la course à la technologie militaire, via l’espace, qui forcera l‘URSS à un bras de fer inégal et… mortel pour elle. On a appelé ce programme sa « guerre des étoiles ». C’est là que commence la rencontre, puis la négociation très originale et chaotique avec Gorbatchev, le nouveau dirigeant (et le dernier) d’URSS, qui souhaite la détente avec l’Ouest et la modernisation de son empire déclinant. Le russe, d’abord très surpris et décontenancé par l’apparente maladresse de Reagan, est finalement amusé puis charmé. Les deux, si différents, mettront fin à la guerre froide…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les biographies, totales ou partielles, de dirigeants politiques restent encore rares en BD. Et cet album est bienvenu dans ce créneau quelque peu risqué. Sa force est d‘évoquer un animal politique hors normes et de le rendre attachant, contrairement à son image en France et en Europe. Il est en effet de bon ton ici de le critiquer sans ménagement de notre point de vue, qui ne correspond pas à son image outre Atlantique. Le pari est donc culotté, le sujet « croustillant. Une autre qualité de l’album est de traiter l’épisode sous une forme à la fois réaliste et caricaturale. Le lecteur est toujours pris entre deux pôles, hésitant parfois entre incompréhension et jubilation. Rythme vivant, dialogues percutants, déclarations authentiques (le scénariste est historien) et pourtant littéralement incroyables, changements des angles de vue et d’atmosphères, tout cela en fait un ensemble très agréable, divertissant. Les couleurs tramées donnent un grain vintage, comme celui des anciens comics imprimés sur mauvais papier. Une très bonne idée. Un mot sur le petit enseignement de cet album, au titre condescendant très franco-européen. Il met l’accent sur « crétin » alors que le résultat est qu’il a « gagné la guerre froide ». Tout bonnement, il confirme que la première qualité d’un grand dirigeant politique est de sentir la société et de parler aux gens ordinaires. Et d’être dans une sincérité totale, sans entendre la technocratie, le politiquement correct et les « petits hommes gris ». Un esprit brillant (par exemple banquier d’affaires ou super diplômé…) pourrait ne pas comprendre le ressenti, les besoins d’un pays et multipliera les échecs. Une personne « simple » pourra être capable de recentrer les grands enjeux dans un élan sincère et sans crainte ni conformisme. Voilà ce que les auteurs, sans doute involontairement, démontrent… C’est paradoxal, instructif et amusant.
