L'histoire :
Après la tentative d'évasion ratée et le retour de Miguel, surnommé l'espagnol, dans les murs de la colonie pénitentiaire, les jeunes gens ont franchi un cap. Les mauvais traitements, les humiliations infligées par les gardiens, la peur des représailles, semblent ne plus avoir prise sur les prisonniers qui s'endurcissent jour après jour. Le retour de Miguel va servir de catalyseur à de nouveaux plans pour échapper définitivement à l'enfermement. Jean, de son côté, a eu l'occasion de travailler dans le potager de Vermillon, ce qui lui a permis de s'approcher d'Angèle, la fille de la famille. Depuis qu'elle a surpris le jeune homme sur la terrasse de leur propriété en train de feuilleter un livre, elle a continué de le croiser sous prétexte de lui en prêter d'autres. Une relation prudente mais sincère s'installe entre les deux jeunes adultes qui se parlent à l'insu de tous, créant l'espoir d'une impossible liberté pour chacun d'eux. Le groupes d'amis d'infortune va alors se répartir les rôles dans l'élaboration de ce qu'ils veulent être leur ultime tentative, et qui doit absolument être couronnée de succès. Usant de la bonne connaissance de l'organisation du pensionnat, tirant les leçons des échecs passés, ils vont tout prévoir pour ne pas être repris cette fois-ci. Mais les relations entre eux restent compliquées. Des révélations sur le passé commun d'Honoré et Adrien vont rendre nécessaire une mise à plat de rancunes anciennes. Et la collaboration du « Marbré », le tortionnaire du jeune Adrien, va se révéler indispensable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La saga de ces jeunes orphelins maltraités au début du siècle dernier se termine ici, avec une ultime tentative d'évasion. Au fil des trois tomes, Laurent Galandon aura creusé le sillon de ce pensionnat/prison pas très recommandable, attirant la compassion de ses lecteurs pour ses personnages victimes. On creuse à nouveau, à travers une période de l'histoire soigneusement sélectionnée, la dimension sociale d'une partie de la population de l'époque. Galandon a le goût de ces tranches de vie dures et décrites sans fard, témoignant pour ses héros une vraie fraternité dénuée de nuances. Ces Innocents coupables ont des caractères forts et pleins de sincérité, même s'ils nous restent en partie étrangers. En effet, en choisissant de ne pas mettre en avant l'un d'entre eux de manière évidente, le scénariste joue collectif et se prive probablement de la possibilité d'accrocher son lecteur par les tripes, ou par le cœur. Il se refuse à toute sensiblerie, qui pourrait pourtant être une corde facile dans ce contexte d'orphelins oubliés de tous. Une approche noble et non commerciale probablement délibérée, même si l'ensemble des trois volumes est construit sous la forme d'un récit grand public. Une pierre de plus en tout cas dans la carrière de ce scénariste qui compte, et qui nous donne fréquemment l'occasion de découvrir de nouveaux dessinateurs. Ici c'est Anlor (alias Anne-Laure Bizot) qui démontre une patte très personnelle et constante, impressionnante pour son premier travail en BD. Un style semi réaliste original et plein de caractère, colorisé avec une belle efficacité. Le travail de qualité entre ces deux auteurs est un bel exemple de casting efficace, un choix qui semble couler de source à la lecture de leurs albums.