L'histoire :
Dans un futur indéterminé, une expérience génétique mondiale a mal tourné et a entrainé une mutation de certains humains en… salamandres. Ces êtres salamandres pensent, parlent, s'habillent et se meuvent comme des humains, mais ils ont des têtes de salamandres, ce qui leur vaut une forte discrimination sociale. Dans un contexte de contrôle relativement strict et autoritaire de la population, l’humain Graham Gomez suit une formation pour devenir pilote de Speed-V (le transport en commun). Il est d’un tempérament légèrement rebelle, ce qui lui vaut régulièrement des amendes de la part de l’analyseur domestique installé dans chaque foyer. Et il a beau essayer de tricher en faisant pipi dans le lavabo de la cuisine, par exemple, le détecteur repère qu’il a mangé de la viande, ce qui est prohibé. Avec son épouse Holly, ils espèrent obtenir un agrément pour avoir un enfant. Mais ce soir-là, c’est une convocation chez le directeur de la communication de « La société » que reçoit Gomez. Il s’y rend le lendemain, curieux. Au dernier étage de la tour moderne Mr Wilson lui expose alors ce qu’il attend lui, tout en disputant une partie de ping-pong. En raison de ses origines indigènes blackfeet, Graham a été choisi pour devenir un touriste spatial sur la station orbitale. Il devra en outre promouvoir l’exosquelette de dernière génération. Graham refuse, persuadé qu’il lui reste des bribes de liberté individuelle. Il a bien tort…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet étonnant récit de science-fiction en one-shot, option anticipation sociale, nous est proposé par Julien Frey (le scénariste de Monsieur Apothéoz) et Huelva (le dessinateur des 5 tomes de U4). On est plongé sans ménagement dans un contexte rétro-futuriste légèrement autoritaire, façon 1984 : « La société » contrôle sa population à travers des analyseurs et des conseillers, ce qui engendre des manifestations dans la rue en permanence… pour rien. Le rétro-futurisme s’incarne à travers une ambiance très sixties – le look des meubles, des objets, des véhicules – et il s’accompagne d’une mutation génétique insolite (mais cohérente !), à l’origine du titre : certaines personnes ont muté en salamandres. A quelques facilités près (on ne comprend jamais pourquoi il est si important que Gomez devienne touriste spatial), ces éléments dystopiques et originaux sont plutôt emballants. A travers eux, le propos général demeure cependant un peu hésitant, entre refus de la discrimination (envers les salamandres) et désapprobation du contrôle des masses (tout, y compris toi, appartient à « la société »). On se laisse cependant volontiers porter par une narration rythmée et imprévisible, impeccablement incarnée par le dessin semi-réaliste et les jolies ambiances colorimétriques de Huelva.