L'histoire :
En 1848, la famille Fox vient d’emménager dans une vieille maison dans la campagne de Hydesville, dans l’état de New York. La nuit, la maison grince sans cesse, ce qui inquiète plus la mère que les deux filles, Kate et Maggie. Le père de famille, David, est alcoolique et il se fiche pas mal de ces grincements. Au village, on appelle cette bâtisse « la maison du meurtre » et certains superstitieux ne comprennent pas pourquoi elle n’a pas été tout bonnement rasée. Si une éventuelle cause surnaturelle n’effraie pas Kate et Maggie, les deux sœurs aiment surtout intriguer. Une nuit, Kate se réveille en sursaut et en hurlant. La mère accourt et punit aussitôt cette insupportable gamine qui fait tout pour l’effrayer. Mais Kate se défend en disant que c’est « monsieur pieds fourchus », une présence avec laquelle elle discute. Et la gamine prouve la chose en posant des questions, auxquelles la maison répond par des « tap-tap » distincts et très précis. La mère est éberluée. Maggie sait que les bruits proviennent des doigts de pieds que sa sœur Kate fait craquer et qui résonnent dans la structure boisée de la bâtisse… Mais Kate promet qu’elle n’est pas à l’origine de tous les bruits. En tout cas, dès le lendemain, la mère de famille fait fuiter l’existence d’un canal de communication avec l’au-delà dans le village. Les villageois s’empressent de vouloir poser des questions. Un journaliste est même présent, qui compte bien trouver et dévoiler la vérité scientifique. Un code de « tap-tap » est mis au point avec l’esprit frappeur, qui répond en faisant d’incroyables révélations…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au milieu du XIXème siècle, les sœurs américaines Fox ont fortement contribué à définir les codes du spiritisme moderne, lorsqu’elles se sont rendues témoins et/ou actrices d’un phénomène surnaturel de communication avec un esprit de l’au-delà. C’est cette histoire méconnue et intrigante que nous relate le scénariste Philippe Charlot, à travers une narration appartenant à une veine bien plus historique (ou sociale) qu’ésotérique. En effet, le postulat du récit ne s’engage jamais à fond sur l’hypothèse de la supercherie ou du phénomène réellement surnaturel. Charlot accorde une grosse part de tricherie aux sœurs Fox – l’une d’elle faisait craquer ses orteils, qui résonnaient à travers la structure de la maison – mais il laisse tout de même ouvert le champ de l’incertitude – le personnage de Kate est surpris par des réponses transcendantes que ses pieds n’ont pas émis. Etant donné le sujet sulfureux, l’écueil aurait été de céder au spectaculaire. A contrario, le récit se dévoile au travers d’une mise en scène et d’un rythme on ne peut sages. Ce qui intéresse Charlot, c’est plus la mécanique sociale et les effets en cascade de la psychologie de groupe, que la possibilité du surnaturel. Au sein d’un découpage classique, Grégory Charlet cadre essentiellement sur les personnages, leur accordant des traits semi-réalistes aux encrages précis et expressifs, sans en faire de trop. Sa colorisation volontairement terne, aux teintes majoritairement ocre et sépia, comme pour les cartes postales anciennes, insiste sur la dimension historique. La sobriété visuelle suffit en elle-même à renforcer le climat inquiétant. Brrr… Esprit, es-tu là ?
