L'histoire :
Dans le village de St Nicolas du Pélem, au cœur du département breton des Côtes du Nord, la vie suit son cours malgré l'occupation allemande. En ce printemps 1944, les habitants attendent d'en savoir plus sur un débarquement allié dont la rumeur devient plus forte. La débrouille est leur lot quotidien pour améliorer l'ordinaire. Le jeune Jules met à profit ses talents de pêcheur et de chasseur pour fournir un des commerçants du village en poissons, à soixante sous pièce. Et lorsqu'il a de la chance, en écureuils, à cinq francs l'animal. Sur le chemin du retour, sa musette pleine de poissons, il croise le chemin d'un nouvel arrivant au village, très intéressé de voir pour la première fois une truite fario, tombée du sac de Jules. L'homme doit se rendre au château du Pélem pour y habiter quelque temps... une coïncidence de taille, puisque le père du garçon est justement le régisseur du lieu. Les bases d'une amitié inattendue sont jetées, entre le jeune homme proche de la nature et curieux des autres, et celui qui s'avère être un émigrant russe fuyant la montée en puissance du communisme dans son pays. Un lointain descendant des tsars qui s'intéresse à la pêche à la truite et à la chasse à l'écureuil, voilà qui aiguise la curiosité de Jules. Mais la réalité va très vite imposer le cours de l'histoire sur la commune, avec l'arrivée de commandants SS, accompagnés d'une troupe de soldats à cheval, les fameux cosaques originaires d'Europe de l'Est. Le château est réquisitionné, les collabos habitant le village vont vouloir profiter de la situation, un premier drame va se produire...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Gérard Cousseau et Damien Cuvillier changent tous les deux de registre avec ce diptyque qui décrit une amitié originale au cœur de la seconde guerre mondiale. Leur mise en scène de cette histoire, à la fois légère et prenante, répond parfaitement aux canons du genre, dans un style quasi-réaliste soigné, à l'image de la référence qu'est Le Sursis de Jean-Pierre Gibrat. Les premières pages de l'album sont à cet égard parfaitement réalisées, qui nous permettent d'admirer la qualité des couleurs directes de Cuvillier, en construisant les bases de la vie du village breton. Les cases en aquarelle sont très belles et imprégnées d'une douceur bucolique, le dessinateur n'hésitant pas à dynamiser ses pages en multipliant les plans sous des angles changeants. En suivant une trame classique avec l'arrivée des soldats allemands et les premiers événements dramatiques, le scénario de Cousseau ne surprend pas, mais il est aussi efficace, si l'on peut dire, que les autres séries du même genre. La relation entre Jules et Georges est rendue dans toute sa profondeur, sans superficialité. L'auteur leur consacre le temps nécessaire pour la rendre crédible, ce qui permet d'apprécier l'intrigue d'ensemble avec un angle clair et fort, très cinématographique. Alors même si le thème et le traitement choisis ne sont pas révolutionnaires, le rendu est de qualité et mérite qu'on y prête un peu de curiosité. Cet album démontre également de quoi sont capables deux auteurs qu'on n'avait pas encore beaucoup vus dans un contexte presque réaliste, qu'ils maîtrisent parfaitement.