L'histoire :
Bretagne 1948, Maurice Louis est orphelin. Il grandit chez la famille Lefort, qui l’accueille et l’élève comme s'il était l'un de leurs propres enfants... qui refusent, eux, que les parents l’adoptent. Il apprend que, suite à une erreur administrative, il s’appelle Lucien Basset, dit « Lulu ». Plus tard, il quitte cette famille et part à la ville pour travailler. Aujourd’hui, Lucien est seul avec ses bouteilles. Sa seule femme est « la mère Lapicole », car son amour Louisette l’a quitté et a refait sa vie. Son fils Rémy ne lui parle plus depuis 3 ans. L’alcool a brisé sa famille. Lucien sait qu’il a été un mauvais mari, mais aussi un mauvais père à cause des ravages de l’alcool. Lucien ne parvient pas à exorciser ses démons d’enfance et sa quête d’identité. Un soir, malgré une énième soirée bien arrosée, Lucien voit un reportage aux informations. Il reconnait la voix et son fils sur l’écran… Il en est bouleversé. Désormais, il n’a qu’un souhait : le retrouver pour le sauver et l’empêcher de se mettre en danger en défendant cette ZAD. Mais voilà : pour mettre à bien ce projet et le retrouver, il faut arriver à ne plus boire et garder l’esprit lucide… Lucien part en quête de Louisette pour lui parler de ce projet et réclamer son aide. Les deux comparses se lancent alors dans cette aventure pour retrouver leur enfant. Destination Nantes, car les zadistes ont pris possession des lieux et font face aux forces de l’ordre. Lucien retrouve sur le « front » son fils, le leader du mouvement. Rémy s’étonne de voir son père. Il en profite pour régler ses comptes et lui reprocher leur passé familial. S’ensuivent des échanges musclés avec les CRS, jusqu’à un tir final…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès la première page, le ton est donné, le décor est planté. En effet, en préambule, Stéphane Louis se livre. Ce récit qu’il caractérise comme une « fictiographie » est son histoire, ou plutôt celle de son père, présenté en photo, à la réalité de laquelle se mêle une bonne louche de fiction. Vous l’aurez compris, on parle ici des désastres de l’alcool, de la dépendance et de la déchéance. On devine sa triste vie, ce « grand enfant », Maurice ou Lucien, n’a pas fait le deuil de son passé, mais il reste lucide, se parle à lui-même et sait qu’il a tout perdu. Pour cause, il a choisi la bouteille, son addiction, sa perdition. On assiste à plusieurs retours dans le passé qui permettent de mieux cerner le personnage de Lucien et surtout comprendre son histoire et les drames qui ont marqué sa vie. L’auteur pointe aussi la société et le regard des autres, parfois pesant, les mots « durs », les insultes et le qu’en dira-t-on. Les couleurs sont vives et le nez du protagoniste explicitement rouge et proéminent. C’est tout à la fois une page ouverte, un témoignage-hommage inédit à un père, un drame touchant, un cri du cœur, une sonnette d’alarme sur les dangers de l’alcool. Louis parle de ce fléau, celui qui a brisé sa famille, sans jamais avoir un ton dramatique, pathétique ou moralisateur. Et pour autant, il y a une belle morale au final… la fatalité ! En 2006, Lulu s’est éteint.