L'histoire :
1886. Les habitants de Soline vivent essentiellement de la pêche, de jardins cultivés et bien entendu de la récolte du goémon. Les conditions de travail autour de cette cueillette sont aussi rudes et abruptes que les bans de rochers grignotés au fil des ans par la mer et ses puissants courants. Une mer poussée par les vents que rien n’arrête. Des vents parfois si violents, dit-on là-bas, qu’ils portent la colère des dieux jusqu’aux hommes lorsqu’ils ont fauté. Tous les îliens, hommes et femmes, se donnent entièrement à la cueillette du goémon. Ainsi s’organise, pas à pas, le transport des algues sur les hauteurs de l’île pour les y brûler. Les enfants participent également à cette tâche en fonction de leurs capacités physiques. Parfois, l’inévitable se produit : une jambe happée par une roue cerclée d’un ruban de métal, une mer trop creusée qui emporte un bateau vers le large, puis vers les fonds avec un homme épuisé, obstiné, renonçant à l’idée de perdre sa récolte et, soudain, résigné. Ainsi périt le père de Yann, sous les yeux de son fils qui, malgré s’être jeté à l’eau, n’a rien pu faire pour le sauver. Quant à la sœur de Yann, Soà, une fillette sourde et muette, remarquée pour son intelligence exceptionnelle, elle est envoyée sur le continent pour poursuivre ses études. Au fil du temps, Soà s'engage dans diverses causes : le sauvetage de naufragés, l'aide aux familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale ou le mouvement des suffragettes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n’est pas toujours évident d’appréhender des thématiques fortes comme la résilience et le droit des femmes en BD. Cependant, le scénariste Gérard Cousseau s’y lance en mettant en avant l’histoire de Soà, une enfant à part de l’île de Soline, observatrice et vive d'esprit, encouragée à poursuivre des études sur le continent. Mais la vie ne se résume pas à une simple ascension sociale. Entre la découverte d'un traumatisme refoulé et les tumultes de l'histoire, le lecteur suit Soà dans sa lutte acharnée pour se frayer un chemin dans un monde qui ne laisse que peu de place à ceux qui sortent du cadre, comme elle. Mais loin de tomber dans le pathos, Cousseau se focalise sur la volonté farouche de Soà qui va la conduire sur les chemins de la résilience et de l'engagement à travers plusieurs décennies. Sauveteuse de naufragés, protectrice de familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale, militante infatigable pour les droits des femmes, la jeune femme traverse le temps avec une force tranquille... En ce qui concerne les dessins, Shinja insuffle une véritable identité visuelle à cette fresque historique avec son trait expressif et rond. De plus, il porte une attention aux décors, des paysages bretons aux ruelles oppressantes en période de guerre, afin de coller au plus près au récit. Entre grande Histoire et destin individuel, cet album s'impose donc comme un récit agréable à lire et relativement inspirant.
