L'histoire :
Lorsque les sept personnages franchissent la porte de la ville de Jérusalem en ce jour du printemps 1271, les habitants qu'ils croisent murmurent entre eux ou font un signe de croix. Une odeur de brulé émane du groupe : un cheval, un oiseau et un chat, un homme très petit portant une énorme épée noire, un autre au masque de fer, une jeune femme aux cheveux noirs et une plus jeune aux cheveux roux cachés sous une capuche. Ils se débarrassent très vite de quelques scélérats qui pensent vouloir leur voler leurs biens, et se dirigent vers le monastère qui est le but de leur venue. On leur a dit qu'ils pourraient, contre une forte somme d'argent, y être soignés des sortilèges qui les accablent tous. Car chacun à sa manière est le fantôme de celui ou celle qu'il a été, un survivant improbable qui traverse l'existence sans pouvoir réellement la vivre. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que pour que le miracle s'accomplisse, l'argent qu'ils donneront devra avoir été acquis de manière honnête et irréprochable. Et cela n'est pas vraiment le cas, même si tout a commencé par un jeune écuyer nommé Blaise qui moisit cinq années en prison, un masque de fer sur la tête en gage de malédiction...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ces personnages aussi étranges qu'improbables qui décident de se rendre à Jérusalem pour ne plus être des fantômes et retrouver leur vie, Stephen Desberg construit une fable drôle et pleine de second degré, dont le ton s'impose dès les premières cases. L'arrivée dans les rues de la vieille ville est superbement mise en scène, avec un affrontement en une seule case qui impose un temps d'arrêt par son culot graphique. Car le scénariste a trouvé en la personne d'Alexander Utkin un dessinateur parfaitement taillé pour donner vie au spectacle de la quête de ces sept morts-vivants pleins de caractère. Son découpage et ses cadrages sont incroyablement vifs et fluides, et ses demi-pages de paysages ou de monuments sont sublimes. Ses cases sont expressives et exagérées ou bien simplement calmes lorsqu'une transition s'impose, avec une multitude de petits trucs graphiques très libres qui donnent une énergie constante et une patte unique. Utkin est un grand illustrateur dont le talent se confirme d'album en album, sûr de lui de toute évidence, dans l'efficacité de ses séquences et la puissance de ses plans. Les dialogues de Desberg sont un autre atout de ce premier volume surprenant, ils font sourire avec des transitions cocasses et volontairement improbables. Le scénarise est lui aussi confiant dans sa technique. Son ton détaché est parfaitement maîtrisé, il donne un côté sympa et un double niveau de lecture à l'album. Une couverture magnifique complète le tableau, et devrait attirer le public vers cette aventure originale.